28032024

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Olivier Carvin, président de Maranatha : « Je ne suis pas un Madoff »

A la suite de notre entretien publié lundi 27 novembre avec l'avocat Philip Pechayre, en charge de défendre le collectif d'investisseurs Coddima (plus de 1 200 mandats), nous avons demandé à Olivier Carvin, président de Maranatha, son point de vue sur la situation de son groupe hôtelier.

Comment réagissez-vous aux critiques formulées par Maitre Philip Pechayre ?
Il dit qu'il détient plus de 1 000 mandats. Je ne le crois pas. Je voudrais bien les voir. Je suis assez écœuré par ses commentaires qui n'ont pas d'autre but que nuire à l'intérêt des investisseurs de voir le problème de trésorerie se résoudre. Je pense que si j'étais un escroc comme il le laisse entendre, le procureur m'aurait fait mettre sous les verrous. Je ne suis pas un Madoff comme il le dit, sinon je ne serai pas là à continuer de diriger ce groupe comme l'a demandé le procureur.

Tous les hôtels ont été placés sous redressement depuis jeudi dernier ! C'est inquiétant !
Sur les 114 sociétés qui ont été mises en redressement jeudi dernier (NDLR : 23 novembre), il n'y a que 24 hôtels, les autres structures sont des sociétés financières. Vous vous souvenez que Maranatha SAS, la holding, avait été, elle, placée en redressement le 27 septembre.
Nous gérons 59 hôtels. Cinq se trouvent dans des fonds Finotel et ceux-là ne sont concernés par aucune procédure, nous ne sommes que gérant de ces hôtels. Ce qui fait que 800 investisseurs ne sont absolument pas impliqués.
Je voudrais qu'on comprenne bien que les investisseurs sont tous des propriétaires de parts d'hôtels, donc d'actifs tangibles, et non pas des créanciers, tant qu'ils ne font pas valoir leur droit de rachat. Donc nos investisseurs sont des actionnaires. Sur les 54 hôtels - donc hors Finotel - 24 ont été mis en redressement. Notamment les hôtels du Roy qui restent hors de la procédure. De même les 11 hôtels qu'on détient avec 123IM ne sont pas concernés par une mise en redressement, et des discussions de refinancement sont en train d'aboutir. 5 autres hôtels que nous gérons pour des family offices sont aussi hors procédure. Les 24 visés par le justice sont les clubs deals.

Le schéma de Maranatha n'est pas toujours bien compris !
C'est vrai, pourtant c'est clair : Maranatha n'est que le pivot des opérations d'investissement, nous ne possédons que 3 % des actifs et en tant que commandité dans les sociétés en commandite par actions détenant les hôtels, nous sommes certes indéboulonnables mais nous sommes indéfiniment responsables de l'exploitation. Contrairement à ce qu'affirme l'avocat Me Pechayre, nous avons parfaitement le droit à une gestion de trésorerie commune. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous présentons un bilan consolidé.

Difficile de savoir si l'investisseur est actionnaire ou créancier obligataire ! D'ailleurs l'AMF qualifie plutôt l'opération comme une obligation !
Notre documentation était claire, il s'agit d'acheter des actions de société hôtelière. Les investisseurs ont pu penser qu'ils avaient souscrit à un produit financier de type obligataire. Avec ce schéma certains ont cru qu'ils étaient des créanciers et du fait d'un manque de capitaux propres, nous avons été pris en défaut lors de la crise hôtelière provoquée par les attentats, puisque plus de 200 investisseurs ont demandé à récupérer leur argent. C'est ce qui a déstabilisé notre trésorerie.

Vous dites que vos hôtels vont bien mais le tribunal a ordonné la mise en redressement !
J'aurais pu contester, parce que je pense que nous ne sommes pas en situation de cessation de paiement. Mais je l'accepte pour préserver la société de gestion et les 120 emplois. Pour continuer à avancer, il fallait qu'on passe par cette phase judiciaire. Ce n'est pas agréable de parler de faillite, mais le pire qui puisse arriver c'est de continuer à agiter le chiffon rouge comme le font certains dont je ne comprends pas la motivation.

Quelles sont vos intentions ?
Je ne souhaite pas vendre à la découpe. Je veux trouver une solution de refinancement globale. Le problème n'est pas la rentabilité des hôtels, qui est très bonne, on a juste une crise de liquidités. Des investisseurs veulent sortir et nous n'avons pas la trésorerie pour racheter leurs parts. Le but est donc de trouver un partenaire financier qui va prendre la place de ceux qui veulent partir. Nous avons cinq discussions très avancées...
Je pense que le bon schéma est de constituer une foncière avec tous les hôtels. Cette issue permettra de mieux valoriser l'ensemble plutôt qu'envisager la vente à la découpe, ce qui provoquera de fortes décotes. Je pense que les investisseurs qui acceptent de rester verront la valeur de leurs actions progresser quand on aura passé cette crise.

En l'état actuel, les investisseurs ont perdu combien ?
Rien ! Pour 100 investis, la valorisation est aujourd'hui de 105/110. Le cabinet KPMG est en train de réaliser un chiffrage d'ici la fin de l'année. L'année dernière, en valeur de marché, l'ensemble des hôtels était estimé à 750-780 M€. Je pense qu'on devrait être à plus de 800 compte tenu de la bonne rentabilité des hôtels cette année.

Quel est l'état de votre trésorerie ?
Hors Finotel, donc sur 54 hôtels, on est à 17 M€ de trésorerie. La tendance est bonne. Maintenant je pense que la période de redressement sera renouvelée en mars...

Pourquoi ?
C'est compliqué de fusionner 114 sociétés ! Et nous allons devoir convaincre nos investisseurs - ils sont 6 000 - d'accepter une fusion des structures et une solidarité financière. On ne pourra pas s'en sortir si les investisseurs veulent raisonner hôtel par hôtel.

Ce regroupement a-t-il des conséquences fiscales pour l'investisseur ?
On y réfléchit. Les investisseurs ont intégré leurs actions dans un PEA ou obtenu une réduction d'ISF. Nous verrons ce point de l'incidence de la fusion des hôtels vis-à-vis de l'administration.

Yann Caillère, l'ancien directeur général du groupe Accor, siège-t-il toujours au conseil d'administration ?
Non, nous sommes restés en très bon contact, mais il est parti l'année dernière sur d'autres missions. En tant que conseiller il a fait un formidable travail pour améliorer significativement nos outils de gestion.

Comment faites-vous aujourd'hui après le communiqué de l'AMF ?
On ne peut plus vendre du Maranatha, c'est clair. Sur un plan commercial, la maison est fermée depuis septembre. Nous n'avons plus fait un euro de collecte depuis un an et demi. Et sur ordre du tribunal, nous avons suspendu le marché secondaire. Tout va rentrer dans l'ordre progressivement. Vous allez le voir lorsque nous rendrons public nos accords avec 123IM sur la valorisation des 11 hôtels. Aucun actif n'a perdu de valeur.

Propos recueillis par Jean-Denis Errard le 28 novembre 2017

Lire aussi sur gestiondefortune.com : 

>> L'interview de Philip Pechayre, avocat du collectif CODDIMA (27/11/2017)

>> La création de l'association ADEFIMA (21 novembre 2017)

>> Une précédente interview d'Olivier Carvin suite à la mise en garde de l'AMF en août 2017 (30 août 2017)