18042024

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Maranatha : « Le préjudice est considérable »

Nous avons rencontré Philip Pechayre, avocat du cabinet Goethe Avocats associés, chargé de la défense des investisseurs Maranatha au sein de l'association CODDIMA regroupant plus de 1 000 investisseurs et 190 M€ de capitaux investis. 

Depuis cette mise en redressement Olivier Carvin, le président de Maranatha, cherche comme vous, j'imagine, à déboucher sur une issue favorable, non ?
Philip Pechayre (photo) : Depuis le dépôt de bilan, les déclarations lénifiantes répétées du dirigeant minimisent les réalités. Elles n'ont pas d'autre but que d'empêcher la mise en place d'une organisation des investisseurs véritablement indépendante de Maranatha pour les défendre et les informer loyalement. Prétendre, comme le fait le dirigeant, que les intérêts des investisseurs seraient alignés sur les siens est évidemment inacceptable.

Pourquoi dites-vous « inacceptable » ?
L'opacité des structures du groupe, les pratiques de sur-collectes, les transactions de trésorerie, surprenantes, internes au groupe et celles qui entourent certaines acquisitions, les comptes non publiés que refusent de certifier les commissaires aux comptes... sont autant de sujets préoccupants. C'est tout de même le procureur, après plus d'un an et demi d'errements financiers, qui a mis fin à la course éperdue à la collecte et aux acquisitions hasardeuses d'hôtels en réclamant la mise en redressement judiciaire.
Voilà ce qui justifie que le collectif que nous avons créé se montre vigilant devant les tentatives et les manœuvres du dirigeant cherchant à maintenir 6 000 investisseurs et des centaines de CIF, à leur insu, dans des illusions qui ont déjà fait trop de dégâts.
Je n'insiste pas sur la difficulté accrue par ces procédés, pour les CIF, de réussir à réaliser à quel point ils ont aussi été « instrumentalisés » - pour rester modéré - par les techniques de communication de ce dirigeant.

Vous avez été mandaté par un collectif de défense des investisseurs. Que représentez-vous exactement ?
Oui il s'agit du Collectif de Défense Des Investisseurs Maranatha (CODDIMA). Il regroupe déjà plus de 1 000 investisseurs, dont les plus importants, représentant ensemble plus de 190 M€ de capitaux investis, proche de la majorité en capital investi. Des investisseurs qui ont donné un mandat direct et individuel à notre cabinet. Plus de 200 CIF dont les plus importants collecteurs qui ont permis à Olivier Carvin de mener son aventure, comme le réseau de PatrimoinExperts, et bien d'autres nous soutiennent !

Vous intervenez donc parallèlement à une autre association, l'ADEFIMA !
Le collectif CODDIMA a été créé antérieurement. Il est strictement indépendant de Maranatha. A cet égard, je déplore que l'ADEFIMA reprenne à son compte les projets de « grande fusion » envisagés par le dirigeant de Maranatha. Ce que le CODDIMA ne partage pas nécessairement.
Ce collectif est dirigé par un comité de pilotage composé, outre notre cabinet, exclusivement d'investisseurs (dirigeants ou chefs d'entreprises, investisseurs modestes ou importants, mais aussi anciens magistrats consulaires, experts comptables et commissaires aux comptes, et même des avocats de réputation internationale). Nous sommes donc bien à même d'évaluer les options.

Quelles sont vos intentions ?
Le CODDIMA veut faire cesser ou contrebalancer la manipulation médiatique dans laquelle le dirigeant est passé maître. Nous recherchons activement des partenaires pour une alternative de reprise « globale » qui pourrait par exemple être de type « fédératif » plutôt que de type « fusion-mutualisation » afin de coller non pas aux desiderata du dirigeant, mais avant tout aux intérêts des investisseurs et aux réalités du marché hôtelier, des réalités qui semblent avoir été passablement oubliées par Maranatha, victime d'une croissance débridée, hétéroclite, avec une stratégie, un « business model » fondé sur une « collecte excessive », le tout étant au minimum « contestable ».
Notre action n'est pas de même nature que celle que cette autre association que vous citez, dont les dirigeants et conseils ne peuvent prétendre à l'indépendance nécessaire pour défendre efficacement les investisseurs largement « abusés » par les promesses et la communication « hypnotique » de Maranatha pendant trop longtemps.

Vous jugez sévèrement cette entreprise et son dirigeant !
Songez seulement que des dizaines de millions d'euros collectés en 2017 pour acheter des hôtels (le Christiana par exemple) sont partis en fumée dans ce que le dirigeant appelle le « cash pooling » et que d'autres n'hésitent pas à qualifier de « schéma de Ponzi » puisque l'argent des derniers « collectés » a été utilisé pour payer ceux qui exigeaient de sortir alors que l'entreprise était en état de cessation de paiement avéré selon le rapport EY et les rapports des commissaires aux comptes, cela depuis longtemps ! Le préjudice est considérable et la minimisation médiatique doit cesser !

Qu'est-ce qui vous autorise à dire que vous agissez de façon totalement indépendante ?
En tout état de cause le CODDIMA défend exclusivement les intérêts des investisseurs. Nous ne sommes les avocats d'aucun conseiller CIF ou CGP. Nous ne sommes, à la différence du cabinet d'avocat qui soutient l'ADEFIMA, jamais intervenus dans le cadre des opérations de restructuration de la gestion hôtelière de Maranatha (je vous renvoie au communiqué de presse d'octobre 2014 du cabinet SBKG relatif à la création de la société Bearings-hôtels). Nous ne sommes enfin en aucun cas liés avec quelque repreneur que ce soit.
Notre indépendance est totale, au service des investisseurs, dans un dossier difficile en face d'un dirigeant qui a toujours jusqu'ici fait beaucoup « rêver », parfois avec la bienveillance des médias, à la fois les investisseurs et leurs conseillers, avec des promesses de liquidité et de rendement qui s'avèrent aujourd'hui illusoires.
Il est essentiel que la défense des intérêts des investisseurs, dans ce dossier, soit indépendante de certains intérêts et des solutions « miracles » de Maranatha, contestables car elles risquent, de notre point de vue, d'être tout aussi irréalistes que les promesses passées. Nous examinerons cependant toutes les options, sans en rejeter aucune a priori.

Propos recueillis par Jean-Denis Errard le 25 novembre 2017

NB : Nous publierons d'ici la fin de la semaine une interview exclusive d'Olivier Carvin, président de Maranatha.