L'Edito du mois - Mars 2017

L'Edito de Jean-Denis Errard

Editeur de Gestion de Fortune
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Pédagogie

Je l’avoue, je suis surpris. La prime de risque n’a jamais été aussi favorable aux actions, voire aux actifs immobiliers, et pourtant les Français restent attachés au monétaire. Ils boudent les entreprises, seule source de création de richesses qui soit, gisement d’emplois et avenir des retraites. Curieux. Ils ne croient qu’en ce qui ne rapporte plus rien ou presque. « En 2016, commente Alexandre Cassan, du cabinet SIX Financial Information, la collecte du marché français s’articule autour des gestions de taux ». Et le segment monétaire se porte très bien ! Je lis sous sa plume que « en dépit des rendements négatifs les fonds de trésorerie ont comme l’an passé bénéficié d’un formidable afflux de souscriptions nettes positives ». 35,4 Md€ de flux d’achats, c’est fou ! De son côté, en gestion actions, il nous est indiqué que « les souscriptions nouvelles sont peu nombreuses ». Cet air de Cabrel me trotte dans la tête « Est-ce que ce monde est sérieux ? ».
Du côté de l’assurance vie ce n’est pas mieux. Selon la Fédération Française des Assurances, pour l’année 2016, le montant de la collecte atteint 134,7 Md€ (presque autant qu’en 2015) dont seulement 20 % en UC, les supports immobiliers et de gestion structurée représentant sans doute une bonne part (ces chiffres ne sont pas connus globalement). Les rendements des fameux fonds en euros sont devenus quasi faméliques net d’inflation, et pourtant, les épargnants restent massivement accrochés à leur garantie. En même temps, certains assureurs et associations d’épargnants ont une attitude pour le moins ambigüe en vantant leur taux 2016 dans leurs communications alors qu’ils parlent de faire de la pédagogie sur les opportunités de diversification ! Comprenne qui pourra !
François Simon, le président du cabinet Agami, a son explication (voir page 50) : la crise de confiance magistrale qu’on a vécue en 2008 a complètement ébranlé les épargnants. « Dès lors, me dit-il, la question n’a plus été « comment gagner de l’argent » mais « comment me protéger ? ». L’objectif majeur devenait mineur, et l’objectif mineur de la structuration et de l’allocation d’actifs devenait majeur, selon lui. Finie l’ère du too big to fail, on est dans celle du too big to save ! » Il ne peut y avoir d’autre explication. En clair, les Français s’en foutent de ne pas gagner d’argent, ils ont peur d’en perdre.
La Banque de France vient de lancer un site intitulé « Mes questions d’argent », présenté comme « le nouveau portail d'éducation économique, budgétaire et financière ». Selon un sondage Ifop commandité par l’institution, 85 % des Français n’ont reçu aucune initiation. Effectivement, l’effort de pédagogie devient urgent, surtout quand j’entends par exemple que la Bourse c’est risqué et que l’achat Pinel ne l’est pas. Mais je vais plus loin, je crois qu’il y a aussi un véritable effort de formation à entreprendre dans les réseaux bancaires afin que les soi-disant « conseillers » le soient vraiment. On me rétorque qu’ils ne sont pas là pour cela mais pour vendre. La formation du public ne commence-t-elle pas par dire les choses telles qu’elles sont ?