L'Edito du mois - Mai 2017

L'Edito de Jean-Denis Errard

Editeur de Gestion de Fortune
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Virus

Voilà qui est paradoxal. Alors que le monde a vécu, notamment en 2008, des crises de confiance déstabilisantes et que la sphère financière est devenue omnipotente, notre Autorité des marchés financiers est mise au régime sec. 94 M€ de budget, pas un euro de plus, et cela depuis 2013. Toute recette excédentaire bascule dans le tonneau des Danaïdes de Bercy (l'AMF lui a reversé environ 37 M€ en trois ans). « Ces 94 M€ sont inférieurs aux dépenses prévues à notre budget, de telle sorte que si ce plafond n'est pas sensiblement relevé pour 2018, l'AMF devra réduire drastiquement ses dépenses et diminuer ses actions de régulation », commente le patron du gendarme des marchés financiers et de l’épargne.

Cette situation est hallucinante puisque cette administration est sur un rythme de fonctionnement d’environ 100 M€. Bien sûr, chacun pourra trouver que l’AMF, avec son carcan de normes, est un puissant empêcheur de business, trop tatillon et trop lent. Bien des anecdotes que tant de sociétés de gestion m’ont racontées me reviennent en mémoire. Pour autant, le gendarme n’est pas responsable du Code de la route. De plus, sans ce Code de la route qu’est le règlement général de l’AMF imagine-t-on dans quelle pagaille on vivrait ! Une pagaille d’arnaques et de manipulations dont professionnels comme épargnants seraient les victimes.

Dès lors, la question récemment lancée par Gérard Rameix est légitime : « Quel niveau de régulation voulons-nous ? Quel poids souhaitons-nous donner à la voix de la France alors qu'au sein même de l'ESMA, le régulateur européen, on attend beaucoup de nous ? »

De nouvelles missions ont été données à l’AMF notamment par l’article 79 de la loi Sapin 2 en ce qui concerne les offres de placement atypiques. De nouvelles compétences sont nécessaires aussi pour exercer cette police des routes de la finance et pour envoyer des experts capables à Bruxelles. Tout cela sans compter les mises à niveau indispensables de l’outil informatique de surveillance ! Aussi n’est-ce pas un impératif majeur que celui de protéger cette épargne dont notre économie a plus que jamais besoin pour s’irriguer et se relancer ?

Dans les négociations qui vont s’ouvrir en Europe, au moment où le régulateur britannique va progressivement se retirer, n’est-il pas également essentiel que la Place de Paris sorte renforcée de cette phase difficile du Brexit ?

L’épargne et la finance sont à l’économie ce que les vaisseaux sanguins sont à l’humain. 100 M€ pour nous protéger des virus – et on les voit bien venir ! – ce n’est quand même pas la mer à boire dans ce budget passoire du ministère des Finances !