Assurance vie

Assurance vie : les réponses aux 10 questions clés sur la loi Sapin 2

Jeudi dernier, les députés ont voté l'article 21 bis de la loi Sapin 2 qui prévoit le blocage de l'assurance vie afin de préserver la stabilité financière. Gestion de fortune a trouvé les éléments de réponses à 10 questions clés sur ces nouvelles dispositions qui changent l'assurance vie. 

Introduit depuis le 14 juin, l'article 21 bis de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite loi Sapin 2 donne la possibilité au Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) de prendre à titre conservatoire des « mesures macroprudentielles préventives », afin de « préserver la stabilité du système financier ». Un pouvoir qui, de fait, change la donne en matière de liquidité de l'assurance vie. Le texte n'est pas définitivement adopté : il doit passer au Sénat en nouvelle lecture dans les semaines qui viennent, mais ce sont les députés qui auront le dernier mot. Gestion de fortune a rassemblé les éléments de réponses du projet de loi aux 10 questions clés sur ces nouvelles dispositions.

1 - Qu'est-ce que l'article 21 bis concerne concrètement ?
Les rachats (partiels ou totaux) sur les contrats d'assurance vie pourront être « suspendus, retardés ou limités », ainsi que les arbitrages ou le versement d'avances sur contrat.
L'article concerne également « l'acceptation de prime ou versements » qui pourrait être restreinte.

2 - Qui est à l'origine de l'article 21 bis ?
Romain Colas, député PS, et rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale a déposé un amendement au mois de juin dernier (voir son avis).
Karine Berger, député PS, laisse entendre que l'Afer serait à l'origine de ce dispositif, ce que l'association d'épargnants a fermement démenti. Interrogé par Gestion de fortune, Gérard Berkerman, son président, évoque un « article anxiogène qui fait peur à un moment où le gouvernement fait tout pour renforcer la confiance ». (voir la réaction en détails de Gérard Berkerman aux propos de Karine Berger)

3 - Quel est son objectif ?
Selon Michel Sapin, ministre des Finances, il s'agit « d'éviter que les gros épargnants, bien informés et avisés, retirent progressivement la totalité des sommes qu'ils avaient déposées dans le cadre d'une assurance vie, au point que l'organisme d'assurance se retrouve à un moment donné dans l'incapacité de faire face aux autres demandes de retrait. Les victimes seront alors les petits épargnants, qui ne disposaient évidemment pas, eux, du même type d'information ».

4 - Est-ce une nouveauté ?
L'ACPR avait déjà la possibilité de prendre des mesures de blocages des rachats de l'assurance vie pour une seule compagnie d'assurance (article L 612-33 du Code monétaire et financier) introduit par la loi Lagarde de 2010. Mais il s'agissait d'une mesure « microprudentielle ». Ce nouvel article 21 bis confie ce pouvoir au HCSF - qui n'existait pas à l'époque – et qui devient une mesure « macroprudentielle », c'est-à-dire qui concerne « au moins un organisme de taille critique et systémique, ou plusieurs organismes détenant une part significative du marché concerné », détaille l'avis du rapporteur.

5 - Cela concerne-t-il uniquement les fonds euros ?
Non, car même si la raison principale est la crainte d'une remontée des taux et d'un retrait massif des épargnants sur les fonds euros, cela concerne l'ensemble des contrats d'assurance vie, à la fois les fonds euros et les unités de compte.

6 - Les prestations en cas de décès ou en cas de rente seront-elles aussi limitées ?
Normalement, il ne s'agit pas de rachats, mais de prestations qui devraient être versées en cas de décès, même si les députés ne l'ont pas précisé. Selon Jean Aulagnier, doyen honoraire de l'université de Clermont-Ferrand, « les assureurs devraient préciser que la suspension "imposée" des rachats ne veut pas dire suspension des paiements. Lorsque le contrat se dénoue par le décès ou l'arrivée du terme, le paiement s'impose sur le fondement de l'article L 132-23-1 ». Le cas de la rente reste encore dans le flou. 

7 - Y a-t-il un plafond ou des exceptions prévus à ces limitations ?
Un amendement soutenu par le rapporteur Romain Colas et adopté par les députés indique que le HCSF « tient compte des intérêts des assurés, adhérents et bénéficiaires ». « Cela pourra le conduire à faire usage de proportionnalité en fonction de la sévérité des menaces auxquelles le système financier est confronté », détaille l'exposé des motifs. Autrement dit, c'est le HCSF qui pourrait décider d'autoriser par exemple les « petits retraits » selon un plafond ou selon un pourcentage du contrat.

En revanche un amendement présenté par le député UDI Charles de Courson prévoyant un liste de 9 situations d'exception (mariage, naissance, divorce, achat de la résidence principale, etc.) a été rejeté. « Trop de précisions imposées à la compagnie d'assurance dans le traitement de ces dossiers risque d'aboutir à une impossibilité de fait », a justifié Michel Sapin.

8 - Qui peut prendre la décision et dans quelles circonstances ?
C'est le HCSF, instance de supervision financière créée en 2013 et présidé par le ministre des Finances, qui décide sur proposition du gouverneur de la Banque de France. Le HCSF pourrait prendre cette décision « afin de préserver la stabilité du système financier ou de prévenir des risques représentant une menace grave et caractérisée pour la situation financière de l'ensemble ou d'un sous-ensemble significatif [de compagnies d'assurance] »

9 - Pendant combien de temps ?
Ces limitations peuvent être prises pour une période maximale de 3 mois « qui peut être renouvelée si les conditions ayant justifié la mise en place de ces mesures n'ont pas disparu ». Dans l'amendement initial, la période était de 6 mois renouvelable.

10 - Quels autres pouvoirs l'article 21 bis confère-t-il au HCSF ?
Le HCSF peut aussi intervenir sur la rémunération des contrats en modulant les règles de dotation et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices. Il peut aussi « limiter temporairement la distribution d'un dividende aux actionnaires, d'une rémunération des certificats mutualistes ou paritaires ou d'une rémunération des parts sociales aux sociétaires ».