Assurance vie

Fonds euros : à quoi s’attendre pour les rendements 2018 ?

Le taux de rendement des fonds en euros des contrats d’assurance vie ne cesse de baisser depuis 15 ans. Peut-on espérer un sursaut en 2019 pour les taux 2018 ? 

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Le spécialiste de l'assurance vie Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de GoodValueforMoney.eu, répond à nos questions (article paru dans le n° 298 de décembre 2018 de Gestion de Fortune). On s'attend à un taux moyen en baisse de 1,60 %. (Pour connaître les taux 2018 au fur et à mesure de leur publication, consultez >> notre tableau comparatif).

A quel niveau s'attendre pour les taux de rendement 2018 ?
Notre hypothèse, en croisant plusieurs approches, est que pour 2018, les compagnies devraient baisser de 20 centimes, voire davantage, les taux servis pour 2017, donc en moyenne descendre à 1,60 % net de frais de gestion (tout type de fonds en euros confondus).

Qu'est-ce qui vous amène à anticiper cela ?
D'abord, vu le contexte économique et politique de 2018 (avec une moindre croissance que prévue en zone euro et l’arrivée au pouvoir de plusieurs gouvernements populistes en Europe), la BCE devrait amender sa trajectoire de remontée des taux sous deux angles. D’une part, en la décalant dans le temps afin de ne pas tuer dans l’oeuf la modeste croissance européenne ; d’autre part, en la limitant, car qui dit remontée des taux dit également alourdissement du fardeau de la dette pour les Etats et les citoyens en Europe. Ensuite, les marchés actions, beaucoup moins favorables qu’en début d’année 2018, limitent la capacité des assureurs à vendre des unités de compte. La belle montée du taux d’UC dans la collecte brute a atteint son asymptote en janvier 2018 avec un pic à 32 %. Depuis, nous sommes redescendus à 26 % avec les tensions sur les marchés actions. Or, les assureurs se trouvent dans l’incapacité de placer à des niveaux de rendement correct la collecte nette qui remonte sur les fonds euros, en sachant qu’ils doivent recycler chaque mois les obligations (anciennes et rentables) qui arrivent à échéance. A notre avis, les assureurs seront obligés de délivrer des signaux prudents en baissant les rendements pour ne pas trop attirer les épargnants sur les fonds euros.

Ne peut-on pas compter sur les plus-values latentes et PPB ?
Les compagnies ont beaucoup réalisé de plus-va­lues latentes (sur actions principalement) au fil de l'eau au cours de ces dernières années, si bien qu’elles ne se sont pas tellement accrues. En 2017, tous les assureurs vie n’ont pas rechargé leur PPB. Au contraire, certains en ont même consommé une partie, en anticipant (probablement un peu tôt) une remontée des taux dès le 2e semestre 2018. Or, elle n’est pas là.

Les épargnants ne risquent-ils pas de montrer leur mécontentement ?
Même avec 1,60 % net de frais, l'assurance vie fera toujours mieux que l’épargne bancaire régle­mentée. Les épargnants doivent avoir à l'esprit que nous rentrons durablement dans une ère où les rendements nets d’inflation seront négatifs. Le désendettement des Etats en Europe se fera au détriment de ceux qui ont investi dans la dette souveraine à des taux historiquement bas.

L’annonce des fonds euros va-t-elle rester un rendez-vous ?
Cette année encore, les acteurs vont beaucoup s'observer entre eux et les services de presse des compagnies vont exprimer tout leur talent pour mettre en valeur leurs meilleurs taux servis, en sachant que cela ne concerne généralement qu’une petite frange des contrats et des encours en euros. Il risque d’y avoir une très forte dispersion en termes de taux entre les différents contrats. Les contrats phares du marché vont proba­blement baisser davantage leurs taux que l’année dernière afin de limiter l’ardeur des épargnants. 2019 risque d’être une année compliquée en raison de plusieurs facteurs : la volatilité voire la baisse des marchés financiers, une probable quasi-absence de remontée des taux, une baisse de la collecte en UC et une demande des épargnants pour les fonds en euros. De nouvelles approches gagne­raient à être inventées par le secteur dans ce contexte.

Propos recueillis par Carole Molé-Genlis