La France et le Luxembourg ont signé une nouvelle convention fiscale bilatérale le 20 mars 2018. Les explications en détails de son impact avec le cabinet d’avocats Mayer Brown Paris.
La France et le Luxembourg ont signé une nouvelle convention fiscale bilatérale le 20 mars 2018. Ce nouvel accord réforme substantiellement les règles à l’œuvre dans la convention applicable jusqu’à présent datant d’avril 1958, cela afin de les mettre au diapason des lignes directrices de l’OCDE et des mesures prises pour lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (projet BEPS).
Par Laurent Borey, Benjamin Homo, Olivier Parawan, Christopher Lalloz et Elodie Deschamps, partners au sein du cabinet d’avocats Mayer Brown Paris.
La nouvelle convention fiscale apporte des modifications sur les points essentiels suivants.
Par principe, l’article 13 de la Nouvelle Convention octroie le droit d’imposer les plus-values de cession d’actifs à l’Etat de résidence du cédant. Par exception, ce droit d’imposer revient à l’Etat de situation des actifs cédés lorsque ces actifs sont des immeubles ou des actions, parts et autres droits qui tirent plus de 50 % de leur valeur, directement ou indirectement, de biens immobiliers à tout moment au cours des 365 jours qui précèdent la cession. Cette règle reprend en substance celle qui était prévue dans la convention de 1958 telle qu’amendée en 2014. Elle ajoute cependant à cette dernière en prévoyant que le ratio de 50% s’apprécie à tout moment au cours des 365 jours qui précèdent l’aliénation. Cet article prévoit également une clause dite de « participation substantielle » qui permet à un Etat d’imposer les plus-values de cession de titres d’une société qui y réside et réalisées par des personnes physiques lorsque ces titres représentent plus de 25% du capital de ladite société. L’article 13(5) prévoit en outre une clause anti-abus afin d’éviter les cessions directement réalisées à l’issue d’un déménagement dans l’autre Etat.
3. Dividendes : de nouvelles limitations de retenue à la source et une définition élargie pour prendre en compte les revenus réputés distribués
Sous l’empire de la convention de 1958, les dividendes étaient susceptibles de se voir prélever une retenue à la source limitée à :
- 5% du montant brut des dividendes si le bénéficiaire est une société de capitaux qui détient directement au moins 25% du capital de la société qui distribue les dividendes;4. Clause anti-abus – « Principal Purpose Test »
Parmi les différentes innovations prévues par la Nouvelle Convention se trouve l’inclusion d’une clause de « refus d’octroi des avantages conventionnels » à l’article 28. Cette clause est directement inspirée des travaux de l’OCDE dans le cadre du projet BEPS et vise à refuser l’octroi d’avantages conventionnels lorsque « compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances propres à la situation, l’octroi de cet avantage était un des objets principaux d’un montage ou d’une transaction ayant permis, directement ou indirectement, de l’obtenir ». Cette clause promeut ainsi une règle de Principal Purpose Test ou PPT, qui s’inscrit clairement dans l’objectif exposé en préambule de la Nouvelle Convention à savoir éviter de créer des situations de non-imposition notamment par le mécanisme de « treaty shopping ». Cette règle s’applique à l’ensemble des dispositions conventionnelles.
Les contribuables souhaitant ainsi bénéficier des dispositions de la Nouvelle Convention devront être capables de mettre en avant une justification économique évidente de la structuration transfrontalière de leurs activités. Il convient de noter à ce titre que cette règle anti-abus s’éloigne de celle de l’abus de droit prévu par l’article L. 64 du LPF en ce qu’elle se fonde uniquement sur la recherche d’un avantage conventionnel à titre principal et non à titre exclusif comme le prévoit la règle de droit interne. Le champ d’application de cette clause est donc particulièrement large et ne manquera pas de susciter des débats et incertitudes dans les opérations de M&A / LBO.
5. Entrée en vigueur
Afin de rentrer en vigueur, la convention doit être ratifiée par les parlements des deux pays. En ce qui concerne les retenues à la source l’entrée en vigueur se fera l’année qui suit la dernière notification par l’un des deux Etats. Ainsi, cette Nouvelle Convention pourrait s’appliquer à compter du 1er janvier 2019 si le processus de ratification est achevé dans les deux États durant l’année 2018.