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Les «500 fortunes» de Challenges : un classement riche de sens

En 1996, il suffisait de 14 M€ de patrimoine pour rentrer dans le cercle des « 500 fortunes professionnelles de France » du magazine Challenges. Aujourd'hui, il en faut 140 M€ ! Décryptage avec le journaliste Eric Tréguier.

Le « data-journalisme » a ses institutions. A l’instar du classement annuel des milliardaires du magazine américain Forbes, en France, le Classement des 500 fortunes professionnelles de France réalisé tous les ans par le magazine Challenges depuis 1996, est l’un des plus reconnus car riche d’enseignements sur les évolutions du tissu industriel et économique français et sur le profil des familles fortunées. Eric Tréguier, journaliste à l’origine du classement, nous parle des évolutions marquantes et des difficultés rencontrées pour collecter toutes ces données.


- Depuis le premier « Classement des 500 » il y a 23 ans, quel est selon vous le changement le plus marquant ?

Eric Tréguier : Il y a eu de nombreux changements. Mais ce qui me frappe le plus par rapport aux premiers classements, c’est la disparition progressive des holdings ou conglomérats souvent hérités du XIXe siècle, aux contours mal identifiés. Soit ils ont été fractionnés au sein des familles, soit ils ont été vendus par « appartement ». Ces fortunes classées dans le Top se situent aujourd’hui souvent au-delà des 500 premières fortunes. 

A noter aussi qu’en 1996, pour rentrer dans le classement à la 500e place, il fallait détenir « seulement » l’équivalent de 14 M€ d’actifs professionnels. Aujourd’hui, le seuil d’entrée est à 140 M€. C’est dix fois plus et c’est surtout un monde de différence qui montre le réel changement en deux décennies de la texture industrielle de la France. Cette année, 50 nouveaux noms intègrent le classement... donc autant en partent. Soit parce qu’ils ont vendu – et leur fortune sort du champ professionnel – soit parce qu’ils ont fait faillite (3 ou 4), soit parce qu’ils sont dépassés par les nouveaux entrants. Ces derniers restent cependant dans une liste de 3 500 noms que nous tenons à jour.

- Comment a évolué la collecte de données ? Aujourd’hui, n’y a-t-il pas davantage de transparence ?

ET : Nous avons commencé avec les annuaires Dafsa et le Minitel pour collecter les comptes auprès des tribunaux de commerce. Depuis, Internet a bien sûr facilité la collecte… à cette nuance près que 30% des sociétés ne publient pas leurs comptes malgré la loi car, en France, elles ne sont pas sanctionnées. Des confrères belges me racontaient qu’en Belgique, quand une société tarde à publier ses comptes, la Gendarmerie intervient et cela peut finir en garde à vue !

Donc même avec Internet, en France, on a toujours autant de mal à collecter l’information de façon officielle. Il y a derrière un important travail journalistique de recueil d’informations tout au long de l’année en réalisant une veille sur les opérations de fusions/acquisitions, sur les déclarations des uns et des autres, etc. C’est un travail de fourmi qui occupe deux personnes à plein temps, voire plus dans les derniers mois avant la parution.

Carole Molé-Genlis