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Assurance vie : une étonnante intransigeance des juges sur le devoir de conseil

Cour de cassation


Selon la Cour de cassation, un courtier d'assurance vie qui n'a pas informé précisement le souscripteur qu'il s'engage sur au moins huit ans a failli à son devoir de conseil. 

Un chef d'entreprise a souscrit entre 2004 et 2006, par l'intermédiaire du mandataire de « Courtage Finance Gestion », courtier en assurances, des contrats d'assurance vie. En 2009, il demande le rachat de cinq de ses huit contrats d'épargne et subit une perte de 28 087 € sur le capital investi. Il assigne alors en dommages-intérêts pour manquements à ses obligations d'information et de conseil car, selon lui, « les contrats souscrits ne correspondaient ni à son projet, ni à ses facultés contributives, ni à ses intérêts ».

Les juges du fond rejettent la demande parce que « la preuve n'est pas rapportée d'un tel manquement ». L'arrêt d'appel est censuré puisque « il appartient au courtier, tenu d'un devoir de conseil sur les caractéristiques des produits d'assurance qu'il propose et sur leur adéquation avec la situation personnelle et les attentes de ses clients, d'administrer la preuve qu'il s'est acquitté de ses obligations préalablement à la signature du contrat ». Le courtier et le mandataire vont devoir régler en outre 3 000 € pour frais judiciaires à ce chef d'entreprise.

Cette décision est un classique du genre sur la charge de la preuve, pour autant elle surprend puisqu'a priori un chef d'entreprise sait lire et que l'assurance vie comprenait cette mention : « s'agissant d'un contrat libellé en unité de compte, il ne présente pas de valeur minimale de rachat garanties en euros » (dans les conditions particulières annexées au bon de souscription). Ce monsieur prétendait qu'il avait demandé un placement pour deux ou trois ans et qu'il a « évoqué son inquiétude quant à l'évolution du marché immobilier et de la bourse ». Pouvait-il ignorer que l'assurance vie ne correspond pas à une telle durée et que le capital pouvait varier ?

Les juges constatent qu'après 2004 il a re-souscrit de nouveaux contrats en 2006 et en 2007. Donc pour les magistrats du fond, « il s'ensuivait que la preuve n'était pas rapportée d'un défaut d'intérêt à la souscription des différents contrats (d'ailleurs, il s'était gardé d'en racheter trois d'entre eux), ni celle d'un manquement aux obligations d'information et de conseil de la part du courtier et de son mandataire ».

Non, réagit la Cour de cassation, les magistrats du fond devaient « vérifier que le courtier et son mandataire avaient informé l'assuré que les contrats d'assurance vie étaient souscrits pour une durée supérieure à huit ans ».

(Cour de cassation, 2e ch. Civile, 17 novembre 2016, pourvoi : 15-14820)