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DG de société anonyme : pas d'entrave à sa révocation

Lors de la fusion de deux sociétés, il avait été signé un pacte pour maintenir la direction à égalité entre les deux dirigeants. C'est illégal !

Deux sociétés ont conclu en 1999 un protocole d'accord qui avait pour objet de déterminer leurs modalités de la fusion au sein d'une seule société anonyme ; ce document comportait un pacte d'actionnaires qui stipulait que, compte tenu du souci d'égalité animant ses signataires, l'entité issue de la fusion serait administrée par un conseil d'administration composé par un nombre pair de membres choisis à parité et qu'Arnaud, dirigeant de l'une des deux sociétés, assumerait les fonctions de président du conseil d'administration tandis que Philippe, l'autre ancien dirigeant, prendrait celles de directeur général.

Philippe, par la suite, a reproché à Arnaud qui a utilisé sa majorité des droits de vote, de l'évincer de ses fonctions de directeur général en violation du pacte d'actionnaires et demandé 1,5 M€ de dommages-intérêts en réparation du préjudice.

Son avocat soutenait que la violation d'un pacte d'actionnaires dans lequel les parties ont pris l'engagement de maintenir la direction à égalité entre deux groupes d'actionnaires est sanctionnée, en cas de préjudice, par le paiement de dommages et intérêts, sans qu'il soit nécessaire de faire la preuve que la révocation d'un des dirigeants a été abusive.

La cour d'appel a rejeté la demande. La Cour de cassation a fait de même. En effet, « est illicite toute stipulation ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la libre révocabilité de l'administrateur d'une société anonyme ». Tel était le cas des stipulations invoquées par Philippe.

Philippe, qui n'avait que 45 % du capital et des droits de vote, a cru qu'il était protégé par ce pacte d'actionnaires, il s'est fait avoir ! Il n'y a aucune révocation abusive et aucun manquement à ce pacte puisque cet accord est illicite. Les administrateurs d'une société anonyme sont révocables à tout moment, ad nutum (sur un signe de tête), par l'assemblée générale ordinaire des actionnaires.

La Cour de cassation a déjà considéré, par exemple, qu'une stipulation dans le pacte d'actionnaires selon laquelle la révocation devait être préalablement autorisée par le conseil d'administration aurait pour effet de limiter le droit de révocation ad nutum de l'AG des actionnaires (Cass. com. 14 mai 2013, n°11-22845).

La libre révocabilité de l'administrateur, qui est une règle d'ordre public (article L. 225-18 du Code de commerce), sans indemnité aucune, prévaut sur le pacte d'actionnaires !
JDE
(Cass.com. 26 avril 2017, pourvoi : 15-12888)