GESTION DE FORTUNE - Le Magazine de la Gestion Privée

Placements en œuvres d’art et manuscrits : encore une affaire !

Après le scandale Aristophil, voici l’affaire Artecosa, officine rebaptisée Signature, elle aussi spécialisée dans le « placement » en œuvres d’art et manuscrits. La Commission des sanctions de l’AMF a prononcé une sanction légère contre la société et son dirigeant.

Dans une décision du 13 novembre 2018, la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a prononcé une sanction légère contre la société Artecosa -(rebaptisée Signatures) et son dirigeant et fondée par un ancien d’Aristophil.

Le rendement promis par cette société était de 7,5 % « garanti » (6 % pour Aristophil). Bien qu’aucune étude n’ait démontré que les oeuvres et manuscrits pouvaient bénéficier d’un tel rendement, curieusement plusieurs CGP se sont à nouveau embarqués dans cette affaire lancée en 2008. 

Après l’affaire Aristophil et une autre, Marble Art, également signalée dans Gestion de Fortune (article paru en décembre 2016), la justice va devoir à nouveau examiner la responsabilité de ces CGP qui ont proposé ce « placement art ».

Dans le cadre de cette activité, Artecosa/Signatures proposait au prospect « d’acquérir une collection d’oeuvres d’art dans des conditions lui permettant de procéder à un investissement intéressant », une collection non encore déterminée à la date de signature, cela pour un prix fixé dans le contrat de vente. Artecosa était donc mandaté pour acheter des œuvres et manuscrits pour le compte du client pour un budget donné. Le montant de « l’investissement » incluait, outre la commission d’apporteur d’affaire du CGP, la commission de « frais de garde » (3 %), de « frais d’expertise » (1 %) et de « frais d’assurance » (1 %).

L’officine avait la possibilité -mais pas l’obligation (ce qui lui évitait de provisionner le risque) - de racheter la collection au terme du contrat de garde au prix de vente « majoré de 7,5% par année de garde et de conservation si le dépôt a une durée au moins de 5 années pleines et entières ». L’AMF indique que « ces oeuvres avaient été précédemment acquises par Artecosa pour un montant entre 1,5 et 4 fois moins élevé que le prix payé par le client » et que l’expertise était systématiquement effectuée par cette société elle-même.

Selon l’AMF, la documentation commerciale affirmait que la rentabilité de 7,5 % par an à l’issue d’une période de cinq ans était « garantie », en mentionnant l’existence d’une « garantie bancaire » (à noter : la banque citée nie avoir accordé cette garantie mais le cabinet d’avocats Lecoq-Vallon & Feron-Poloni compte bien l’assigner) et en stipulant une assurance « contre tous les risques ». Deux informations considérées comme inexactes par la Commission des sanctions du régulateur.

Curieusement aussi, cette société faisait partie des exposants à Patrimonia lors de l’édition de 2016 (voir notre numéro 275 d’octobre 2016). De janvier 2014 à fin février 2016, révèle le dossier examiné par l’AMF, 650 clients ont souscrit à pour un montant total de 25 M€. Soit près de 40 000 € par client !

Le 11 avril 2016, le secrétaire général de l’AMF a décidé de lancer un contrôle au titre des « intermédiaires en biens divers ». Les notifications de griefs ont été adressées en mars 2017. A noter : Cette officine Signatures a été placée en procédure de sauvegarde au tribunal de commerce de Paris en janvier 2018. La période d’observation s’étend jusqu’au 23 janvier 2019.

Un commercialisateur de biens divers 

La Commission des sanctions s’est prononcée par une décision n° 13 du 13 novembre 2018 (à consulter ici). Considérant cette société comme un commercialisateur de biens divers, le régulateur a formulé quatre griefs :

> dans la diffusion aux clients ou prospects, les communications à caractère promotionnel ne présentaient pas un contenu exact, clair et non trompeur et permettant raisonnablement de comprendre les risques afférents (article L. 550-1 du Code monétaire et financier) ;

> la société devait déposer auprès de l’AMF, avant toute communication à des clients potentiels, ses projets de documents d’information et de contrat type (article L. 550-3 du CMF) ;

> elle devait établir un inventaire des biens, un état des sommes perçues et un rapport sur l’activité et la gestion des biens, ainsi que transmettre ces documents à l’AMF et aux investisseurs (article L. 550-4 du CMF) ;

> elle devait faire désigner par décision de justice son commissaire aux comptes (article L. 550-5 du CMF).

La société mise en cause contestait la compétence au moment des faits de l’AMF (invoquant un communiqué de presse de celle-ci du 26 novembre 2014 selon lequel « l’activité de la société Aristophil n’entre pas dans le champ de compétence du régulateur financier »).

La Commission des sanctions de l’AMF en a décidé autrement et infligé une interdiction d’exercice d’intermédiaire en biens divers pour dix ans contre la société et son dirigeant (détenteur de quasiment 100% du capital) avec une sanction pécuniaire de 50 000 €. Une sanction très relative après dix ans d’activité d’Artecosa...

Jean-Denis Errard

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