Fiscalité

Affaire Aristophil : l’importance de savoir avec qui s’engage l’investisseur !

Dans ce dossier, la cour d’appel de Besançon rejette le recours d’un investisseur contre un cabinet de CGP à Pontarlier, en estimant qu’aucun document n’établit un lien contractuel entre eux prévoyant d’investir en achat de manuscrits auprès d’Aristophil.

Par contrat intitulé Coraly’s Prestige signé en février 2013, Marcel a acquis auprès de la SAS Aristophil deux parts d’une indivision portant sur un ensemble de manuscrits de 15 000 €, soit au total 30 000 €. En septembre, la SARL de BTP gérée par Marcel a également acquis auprès d’Aristophil deux parts d’une autre indivision  pour un montant identique de 30.000 €.

Un an plus tard, ayant souhaité user de la possibilité contractuelle de revendre ses parts à la société Aristophil à leur prix d’achat majoré des substantiels intérêts promis (8,5% par an), cette SARL a reçu fin 2014 un chèque de 30.000 €, mais non provisionné. Marcel apprend alors qu’Aristophil subit une enquête pénale et que sa liquidation judicaire a été prononcée par le tribunal de commerce de Paris le en août 2015.

Marcel et sa SARL X (les consorts X), estimant subir un préjudice et l’imputant à son cabinet de conseil en gestion de patrimoine qui leur aurait conseillé cet investissement, l’ont mis en demeure de déclarer à son assureur le sinistre, puis l’ont assigné en dédommagement face au refus du CGP de les indemniser.

Déboutés par le TGI de Besançon, les intéressés ont interjeté appel invoquant un manquement au devoir de mise en garde qu’imposait l’article L.533-12 du Code monétaire et financier, alors qu’ils se déclaraient « profanes en matière de spéculation sur les manuscrits anciens » et, surtout, qu’ils ignoraient que la fiabilité de la société Aristophil faisait l’objet de soupçons alarmants de la part de l’Autorité des marchés financiers et de la presse.

Quant à lui, le cabinet de CGP conteste avoir joué un rôle dans la conclusion des investissements, s’étant borné, affirme-t-il, à adresser des informations d’ordre général relatives à différents produits financiers ; il considère avoir bien mis en garde, ce à quoi il « n’était pourtant pas tenu ».

La cour d’appel de Besançon dans sa décision refuse l’implication du cabinet de CGP, « les appelants n’apportant aucune preuve directe » selon laquelle ce cabinet les a fait investir dans ces indivisions proposées par Aristophil. Ceux-ci ne présentent aucun mandat ou autre convention écrite de nature à établir un lien contractuel formel entre eux. « En conséquence, faute d’avoir démontré que la société (de CGP) était intervenue dans les opérations litigieuses à titre de prestataire de service financier au sens de l’article L.533-12 du Code monétaire et financier, ou à un quelconque autre titre lui imposant une obligation de mise en garde envers les investisseurs, (Marcel et sa société) n’établissent pas avoir été créanciers de l’obligation au non-respect de laquelle ils imputent leur préjudice ».

Dans ce dossier, les appelants ne produisent aucun mandat ou autre convention écrite entre eux et le cabinet de CGP. « Au contraire », constatent les juges, les documents présentés font apparaître comme seul intermédiaire entre eux et Aristophil une mystérieuse société AP Consulting à qui les investisseurs ont consenti le en mars 2013 « un mandat de recherche de produits d’art et de collection dans le cadre d’un contrat Coraly’s Prestige ».

Cette affaire met aussi en lumière la difficulté d’alerter les investisseurs trop naïfs. Dès 2007, l’AMF avait bien tenté de prévenir des risques mais son communiqué à l’époque a disparu de son site, aucun texte, ont alors souligné les avocats d’Aristophil, n’autorisant à cette époque de mettre en garde une société proposant ce type d’investissement (explications à retrouver sur le site deontofi.com).

Un site dénommé Bakchich a ensuite dès 2010 relayé des interrogations sur ce placement ; en avril 2011 c’est l’association de consommateurs UFC Que choisir  qui évoqua ces « étranges investissements », Jean-Pierre Rondeau, président de la Compagnie des CGPI soutenant cette mise en garde. Deux ans après, en février 2013, Aristophil continuait à ravager l’épargne, le préjudice actuel se montant à près de 1 Md€ !

Cour d’appel de Besançon, 1e ch. civ. et com. N° RG 17/01408, 4 septembre 2018

Jean-Denis Errard