05102024

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Loi de finances

Don manuel : quelle histoire étonnante !

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Voilà une personne qui a déposé sur son compte bancaire un chèque de 200 000 €. Un an et demi plus tard, l'administration fiscale -informée par la banque ?- lui a adressé une demande de renseignement sur l’origine de cet argent. Aussitôt, l’intéressé a répondu qu'il s'agissait d'un présent d'usage exonéré de droits de mutation à titre gratuit.

 

Un « cadeau personnel et amical pour son départ à la retraite », telle était l’explication donnée pour échapper à toute taxation. Considérant qu'il s'agissait plutôt d'un don manuel (1), l'administration fiscale a demandé à cette personne d'établir une déclaration fiscale en ce sens puis, à défaut, lui a adressé une proposition de rectification portant taxation d'office de la donation. Par avis de mise en recouvrement, l'administration a réclamé à ce mystérieux donataire la somme de 171 120 €, dont 120 000 en droits de donation au taux de 60% (donateur et donataire n’ayant aucun lien de parenté), 48 000 € de majoration de 40 % et 3 120 € d'intérêts de retard. L’affaire a alors été portée devant la justice, l’intéressé soutenant qu’il s’agit d’un présent d’usage exonéré. Bref, sur les 200 000 € transmis il ne restait plus que 28 880 € !

Le directeur régional des finances publiques soutient, au visa de l'article 852 du code civil, que la qualification de présent d'usage suppose :
1°) que le cadeau soit effectué à l'occasion d'un évènement conformément à l'usage
et 2°) que la valeur de ce cadeau soit raisonnablement proportionnée au patrimoine du disposant au jour du présent.

Un don de 200000 € !

Rien n’interdit de faire un présent d’usage à un tiers sans lien de parenté, ce qui était le cas puisqu’il s’agit d’un chef d’entreprise (Serge Kampf, fondateur du groupe CapGemini) et de l’un de ses collaborateurs. Rien n’interdit aussi de lui faire un don de 200 000 € si le donateur a une grande fortune, ce qui était le cas également puisque ce don représentait moins de 0,1% de sa richesse. Mais, relève l’administration, il manque « la proximité temporelle exigée entre la date du versement et l'évènement justifiant cette libéralité ». En l’occurrence près de 2 ans séparent l’un et l’autre.

En première instance le tribunal estimait la notification du fisc injustifiée. Mais la cour d’appel juge le contraire : « la preuve d'une corrélation entre la remise du chèque et le départ à la retraite du donataire n'est aucunement caractérisée et les conditions relatives au don d'usage ne sont pas réunies ». L’administration a donc gain de cause, excepté sur les 48 000 € de pénalité.

Au final le « don » du chef d’entreprise a tout du cadeau empoisonné qui aura nécessité une longue procédure de 9 ans, des frais d’avocat et 60% de taxe.

Une certaine concomitance

Il est à noter que l’administration admet qu’un chef d’entreprise puisse gratifier -sur fonds personnels- un collaborateur et qu’un motif de départ en retraite soit un événement acceptable. Mais il est nécessaire de prouver le lien entre les deux et surtout la proximité dans le temps entre les deux.

Quant à la proportion du montant de don acceptable, il semble qu’à la lecture de la jurisprudence environ 2% de la fortune du donateur est admis.

Le plus surprenant dans cette affaire c’est la façon de procéder ! Pourquoi ne pas avoir fait les choses correctement devant notaire ? Mieux, pourquoi ne pas avoir, puisque c’est aussi possible en l’absence de parenté, songé au pacte Dutreil ? A charge, c’est vrai, de devoir conserver les actions de la société durant 6 ans. Avec l’abattement de 75% et l’éventuelle réduction de 50% des droits, pris en charge par le donateur, l’opération eût été bien plus judicieuse.

(Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - Chambre 10, 22 avril 2024, RG n° 22/12420)

(1) Lire aussi Gest. Fort. N° 318 novembre 2020, chronique de Stéphane Jacquin,
« Quelle frontière entre présent d'usage et don manuel ? »

 

JDE