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Selon Xavier Lépine (La Française), un nouveau monde va émerger

Xavier Lépine

La crise nous « fait vivre en accéléré le scénario que nous pensions voir se réaliser sur les 15 prochaines années ». C’est par ces mots que Xavier Lépine, président du directoire de La Française, commence sa Lettre de fin mars 2020.

Dans sa Lettre intitulé « Il n’y a pas de planète B », Xavier Lépine, président du directoire du groupe La Française, nous parle d’une crise qui, selon lui, nous fait vivre en accéléré le scénario des 15 prochaines années. « Lorsque les climatologues nous interpellaient dans les années 2000 sur les conséquences du réchauffement climatique, souligne-t-il, la sensibilité des décideurs politiques et économiques était proche de zéro, la préférence pour le présent étant dominante. Depuis la Cop21, les climatologues ont réussi à convaincre les politiques de l’urgence climatique. »

Les acteurs économiques intègrent dans leurs stratégie la nécessité d’une transition énergétique et écologique (relocalisation, circuits courts, etc.). Le coût de cette transition, au moins dans sa dimension carbone, est estimé par le GIEC à 50 € la tonne, soit 2 000 Md€ d’investissements par an, équivalent à 2 % du PIB mondial ! Pour permettre un tel financement, les taux d’intérêt à long terme seraient « administrés » pour rester bas pendant au minimum cinq ans, le temps que les premiers investissements commencent à être rentables et que l’inflation « pointe son nez ». Dans les pays développés, le désordre engendré par la mondialisation questionne de plus en plus les démocraties. Les actions « S » de l’ISR et de l’ESG « paraissent bien timides » pour résoudre les inégalités. En 40 ans, les prix à la consommation ont été multipliés par 3,5 et le SMIC par 4, mais l’immobilier résidentiel par 10 dans les zones tendues et le MSCI Monde par 33…».

 Vers une baisse annuelle de 20 % de la production mondiale

Dans une logique d’arbitrage entre le rendement économique à court terme et la durabilité, les entreprises doivent organiser une nouvelle supply chain, « partiellement déglobalisée », et définir un nouveau cadre aux notions de productivité et d’efficience du capital, dès lors que leur finalité n’est plus uniquement le profit. « La crise sanitaire, poursuit Xavier Lépine, s’inscrit dans une logique d’externalité qui n’avait jamais été prise en considération dans les raisonnements économiques, les équilibres financiers ni les agendas politiques. Le scénario du pire doit être envisagé, ne serait-ce que parce qu’en tant qu’hypothèse, il sera pris en compte par les gouvernements pour l’éviter ».

Sur les deux premiers trimestres, la production mondiale va s’effondrer de 30 % à 40 % et, si les 3e et 4e trimestres 2020 se reprennent, celle-ci sera en baisse sur l’année de 20 %. « Quelle que soit la durée et l’ampleur de cette crise sanitaire, indique le stratégiste, on peut affirmer que les Etats et les banques centrales joueront leur rôle pour soutenir leurs populations et leurs économies, mais également que les modèles économiques et sociaux seront revus en profondeur. Il paraît désormais certain que la prise en compte des externalités sanitaires remettra en cause les modèles de l’ancien monde. »

Le « S » de l’ESG pour « Sanitaire »

Le « S » de l’ESG intègre désormais le sanitaire. Un critère qui devient prépondérant, au même titre que le « E » de l’environnement. La « nouvelle économie » privilégiera le sanitaire : santé et services qui vont autour, alimentation, hygiène, éducation, intelligence artificielle et « nomadisme » virtuel (plus que physique). Ce qui suppose de convertir une partie des industries et de revaloriser le modèle social au bénéfice des populations. La question du « S » pour solidaire devient aussi primordiale !

« On peut espérer, écrit encore le patron de La Française, que les Etats instaurent un Green New Deal et un Plan Marshall mondial dans une logique de solidarité pour la mise en place du nouveau monde de relocalisation et de décarbonation. On peut penser que les plans de relance seront nationalistes, avec une priorité au court terme, d’aucuns considérant, largement à tort, que le problème du réchauffement climatique est partiellement réglé du fait de la chute de la consommation, des modifications des comportements et des relocalisations. Il faut espérer que la transition économique qui va avoir lieu ait suffisamment d’impact pour que le retard que l’on prendra dans la transition environnementale soit supportable en cas de crise environnementale », conclut-il. 

ML