GESTION DE FORTUNE - Le Magazine de la Gestion Privée

H2O AM : les explications de l’équipe de gestion (entretien exclusif)

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« Nous sommes toujours sortis des crises par le haut », nous confie l'équipe de gestion d'H2O AM. Dans un long entretien exclusif, elle joue, une nouvelle fois, la carte de la transparence.

Propos recueillis par Michel Lemosof

Au premier trimestre 2020, H2O Asset Management est sans doute la société de gestion qui a le plus souffert des conséquences indirectes de la propagation du Covid-19. Nous avons interrogé ses responsables pour savoir comment ils ont vécu cette période inédite, pourquoi certains de leurs fonds ont tant baissé, quelles décisions ils ont prises face à la tourmente et de quelle façon ils anticipaient la sortie de crise. 

Quels commentaires ce début d’année vous inspire-t-il ?

H2O AM : La violence, dans le temps et dans l’espace, du choc exogène de la pandémie du coronavirus nous a certes pris au dépourvu, mais elle a confirmé l’hyperréactivité aggravée des investisseurs à l’envolée des volatilités et au retournement des corrélations. C’est en cela que, pour nous, les crises finissent par se ressembler, quelle que soit leur origine. Le marché se rue, en effet, vers les actifs-refuge et vend les actifs risqués pour protéger sa performance et réduire son risque. Or, rapidement, les premiers perdent leur vertu protectrice pour se recorréler à la baisse avec les seconds. C’est exactement ce qu’il s’est passé à partir du 9 mars avec le yen, le franc suisse, l’euro et les taux américains.

L’année dernière, nous avions pleinement relevé le double défi de rachats massifs et de la préservation de la structure de nos portefeuilles, ces derniers présentant l’avantage d’être très liquides. Cette année, ce ne sont pas à des rachats, à ce jour contenus, mais au repricing très violent des actifs en portefeuille que nous sommes confrontés. Il s’agit donc pour nous de gérer les risques et d’ajuster les positions de manière discrétionnaire, empirique et non systématique, afin de préserver la capacité de rebond des portefeuilles. Nos fonds offrent l’autre avantage d’être essentiellement investis en actifs dits « banques centrales », c’est-à-dire sur lesquels ces dernières peuvent intervenir (obligations souveraines-cœur et devises du G10 principalement). Notre gestion des risques s’appuie sur cette certitude que l’aggravation d’une crise régionale en pandémonium systémique provoquera nécessairement l’intervention des autorités monétaires et que les actifs correspondant pourront alors être partiellement vendus (ou rachetés) dans de bien meilleures conditions qu’en tout début de crise. Ou bien conservés au détriment d’autres positions moins critiques et, donc, moins bénéfiques en période de normalisation, puis de redressement des prix du marché.

Cela n’empêche pas les clients de s’inquiéter ?

H2O AM : Absolument et à raison. Nous reconnaissons que nos produits ont, le mois dernier, trop baissé par rapport à leurs attentes. Il faut cependant relativiser. Personne n’achète nos fonds à un horizon de quelques mois, mais à long terme. En outre, bien que leur risque ait dû être réduit, nos fonds offrent la même palette de positions que celles qui prévalaient avant la crise (à l’exception du dollar US). Ces stratégies recèlent aujourd’hui encore plus de valeur qu’en début d’année, du fait des conditions financières exceptionnelles qui vont sous-tendre le rebond de la croissance une fois la crise sanitaire consommée. Nous restons très optimistes quant à l’issue prochaine de cette bourrasque et au fort rebond de nos positions d’arbitrages entre obligations souveraines US et périphériques, de nos stratégies de carry trade sur les marchés des changes et de notre positionnement très value sur les marchés actions.

Nous avions abordé 2020 en pensant que les différentes trajectoires de croissance dans le monde allaient perdurer et que notre style value démontrerait à nouveau sa pertinence. Cette crise soudaine a momentanément retardé cette ambition. En outre, du fait de la bipolarisation entre actifs-refuge et actifs risqués, la diversification, notre principale source d’alpha, s’est quasiment volatilisée. Il n’y a cependant aucune raison de changer notre façon de gérer, car celle-ci s’est avérée très pertinente dans les périodes, prépondérantes, d’appétit pour le risque.

Les professionnels qui composent l’équipe de gestion d’H2O travaillent ensemble depuis plus de 25 ans. Ils sont toujours sortis des crises par le haut et ce, depuis celle de 1994 ! Nous demandons maintenant à nos clients d’œuvrer de patience et de rester sereins malgré un contexte anxiogène et, surtout, de ne pas sortir aux niveaux de prix actuels. Dès que les marchés verront la lumière au bout du tunnel « Covid-19 », ils vont rebondir. L’important sera alors d’être prêt à capter ce sursaut, qui pourrait être tout aussi intense et soudain que l’entrée dans cette crise.

Qu’avez-vous fait dans la tempête ?

H2O AM : Certes, ne rien faire en attendant de revenir aux niveaux d’avant-crise aurait in fine préservé à l’identique la structure des portefeuilles, mais au prix de l’explosion des risques, ce qui n’était pas envisageable. L’approche inverse aurait consisté à réduire les positions, homothétiquement et systématiquement, en phase avec les variations quotidiennes des prix du marché, ce qui n’aurait pas atténué les pertes et ne nous aurait pas permis de délivrer les surperformances espérées quand la tempête se serait calmée.

Fidèles à notre ADN, nous sommes restés sur une voie médiane en privilégiant une politique de réduction des risques empirique et qualitative : ne pas se précipiter et ajuster les positions en fonction des conditions de marché et des interventions des banques centrales. En d’autres termes, ajuster les positions et les risques, mais pas à n’importe quel prix, en assurant nos clients qu’ils ne se retrouveront pas in fine avec des portefeuilles vidés de leur substance. Dans la semaine du 23 mars, par exemple, nos valeurs liquidatives ont nettement rebondi, à la faveur d’un répit du marché, suite, notamment, à l’intervention des banques centrales.

Notre style consiste à être acheteur d’actifs risqués sous-valorisés et vendeur d’actifs non risqués surévalués. Certes, les actifs attractifs mais volatils, comme la dette italienne ou le peso mexicain, ont baissé, tandis que les actifs moins volatils mais chers, comme le franc suisse, le yen ou les obligations gouvernementales américaines et allemandes, ont momentanément renchéri. Sans aucun doute, comme par le passé, cette phase-là fera long feu. Et notre gestion, totalement discrétionnaire, fondée sur le jugement et l’expérience des gérants, nous permettra de sortir de cette nième crise par le haut.

Sur le plan organisationnel et grâce à la qualité de notre équipe de logistique informatique, notre Business Continuity Plan a parfaitement fonctionné. La gestion de nos portefeuilles n’a pas subi quelque interruption que ce soit.

N’y a-t-il pas de crainte à avoir sur la liquidité des fonds ?

H2O AM : Non. La liquidité quotidienne de nos fonds a été constamment assurée grâce à la prépondérance d’actifs très liquides dans les portefeuilles et à notre capacité d’ajuster les prix de certaines positions de crédit en ligne avec le marché. Nous devons aussi rappeler l’importance de notre politique de swing pricing policy, mise en œuvre depuis des années à l’initiative de l’AMF et qui protège les porteurs de parts de nos fonds en les affranchissant complètement des coûts des souscriptions ou des rachats, entièrement supportés par les entrants ou les sortants.

Une conclusion ?

H2O AM : Les crises de marché diffèrent au premier acte, mais les deux suivants, à savoir l’acte 2 de la normalisation et l’acte 3 de la reprise, ont tendance à se décliner de la même façon. Nous n’étions pas prêts pour le premier acte, mais nous avons bien repris les choses en main pour bien assurer les deux suivants. Notre seul et unique objectif : agir dans l’intérêt de nos clients et leur permettre d’effacer les pertes récentes en restant très actifs dans la gestion de leurs portefeuilles et, surtout, contra-cycliques par rapport à l’aversion démesurée au risque du moment.