GESTION DE FORTUNE - Le Magazine de la Gestion Privée

Mégatendances et intégration ESG

DIDIER ROMAN et EMERIC BLOND

Interview de Didier Roman, Responsable de la gestion actions et Emeric Blond, Co-gérant du fonds TAAI

Quel est l’univers d’investissement de Tailor Actions Avenir ISR ?

Nous avons récemment élargi l’univers d’investissement du fonds en supprimant le seuil de 60 % de valeurs françaises au profit d’une ouverture plus large aux valeurs européennes. Le fonds est un fonds « croissance » avec un horizon d’investissement de 5 ans. Il investit sur les thèmes des mégatendances et est éligible au PEA. Notre univers d’investissement est composé d’environ 1 200 valeurs.

Quelle est votre philosophie d’investissement ?

Nous investissons pour le long terme, en distinguant les opportunités d’investissement véritablement durables des effets de mode. L’objectif est de tirer parti de grandes tendances structurelles idéalement en se positionnant dans les secteurs et/ou industries qui se trouvent à la jonction de plusieurs de ces tendances. Notre démarche s’appuie dès lors sur trois grandes thématiques : les évolutions démographiques et sociétales, les défis environnementaux et les ruptures technologiques. Nous segmentons ensuite ces grands secteurs en sous-secteurs, ce qui nous permet d’affiner nos orientations et nos choix de gestion.

Sur quels éléments vous appuyez-vous pour définir vos anticipations de marché ?

Le momentum économique, les politiques monétaires et les dynamiques de valorisation des marchés sont autant d’éléments qui nous permettent d’ajuster le portefeuille en fonction de nos anticipations. Ils nous permettent de faire évoluer le portefeuille et de moduler notre allocation d’un point de vue thématique, géographique, mais aussi en fonction des tailles de capitalisation ou du profil de croissance de l’entreprise.

Comment appréhendez-vous la notion de croissance ?

Nous combinons 3 types de valeurs de croissance dans le portefeuille. Les valeurs dites « défensives », les valeurs « offensives » et les « cycliques ». Les premières affichent traditionnellement une croissance pérenne légèrement supérieure au PIB, ce qui permet une amélioration régulière des résultats et un dividende régulier. Air Liquide ou son concurrent allemand Linde entrent dans cette catégorie. Les valeurs offensives ont quant à elles une croissance assez supérieure au PIB. Elles ne sont pas immunes aux retournements de cycle mais font preuve d’une grande résistance, parce que leur activité est vitale pour leurs clients. Dassault Systèmes appartient à cette catégorie. Ses clients constructeurs automobiles par exemple ont besoin de ses produits pour développer de nouveaux modèles. Enfin les cycliques répondent à une dynamique plus aléatoire. Pour celles-ci, il faut donc détecter les prémices de chute ou de reprise. Parmi les firmes qui répondent à cette définition, on peut citer le constructeur automobile Stellantis (ex PSA). La distinction que nous opérons entre les différents styles de croissance nous permet d’activer, d’exprimer ou sous-exprimer certains leviers de risque.

Comment sélectionnez-vous les valeurs qui composent le portefeuille ?

Notre méthodologie s’appuie sur un idéal d’entreprise, une quintuple exigence que nous appelons les 5 C pour conjoncture, croissance, concurrence, connaissance et consolidation. Les entreprises du portefeuille doivent évoluer sur des marchés porteurs et peu sensibles à la conjoncture. Elles doivent bénéficier d’une croissance régulière et supérieure à la production industrielle. Elles doivent par ailleurs réaliser régulièrement des opérations de croissance externe et donc participer à la consolidation de leur secteur d’activité, avec pour objectif de maîtriser la concurrence en étant leader ou co-leader. Enfin, elles doivent miser sur la connaissance en procédant à des investissements soutenus, notamment en recherche et développements.

Comment s’articule votre démarche ESG ?

Signataire des PRI en 2020, le fonds TAA-ISR a obtenu le label ISR au début de l’été au terme d’une démarche initiée il y a deux ans. Nous avions alors formalisé une charte dont l’écriture nous a engagé dans un processus de notation du fonds. Ce processus a évolué dans le temps : après avoir bénéficié de l’assistance d’Ethifinance, nous avons développé une méthodologie de notation qui nous est propre. Emeric Blond est l’architecte de cet outil propriétaire qui comprend une base de données qui contient les informations relatives à 1 200 entreprises évoquées plus haut et qui nous permet d’attribuer une note aux émetteurs des actions et des obligations susceptibles d’intégrer les portefeuilles gérés par nos équipes.

Comment procédez-vous à cette notation ?

Pour chaque entreprise, nous collectons 115 paramètres qui, afin de produire la note ESG, sont recensés pour être ensuite compilés et pondérés en fonction du secteur d’activité, de la nature de la production, biens ou services. En plus de la note, nous sommes attentifs aux controverses et tenons compte de la présence dans des paradis fiscaux dans l’équation économique de l’entreprise. Au final, notre approche best in universe implique, conformément aux exigences du label ISR, l’exclusion de 20 % des valeurs les moins bien notées de notre univers d’investissement. Les 80 % restants constituent ainsi notre univers de valeurs investissables que nous n’aurons plus qu’à analyser sous l’angle financier. Nous dédions une page aux critères ESG dans chacun de nos reportings mensuels. On peut aussi souligner que le recours à l’analyse extra-financière nous a préservé de pertes significatives sur certains dossiers.

Quelle allocation résulte de votre sélection de valeurs ?

Pour l’heure, les secteurs de l’industrie, de la consommation discrétionnaire et, enfin, des services et de la technologie sont privilégiés. Rapportée à nos thématiques, l’allocation actuelle fait émerger le thème des ruptures qui représente près de la moitié de l’encours. Enfin, parmi les profils de valeurs, ce sont les cycliques qui sont aujourd’hui majoritaires avec une pondération de l’ordre de 35 % alors qu’elles ne représentaient que 18 % du portefeuille en fin d’année 2019.

Quelles sont, pour chaque thème, vos principales idées du moment ?

Dans le thème démographie, on compte les valeurs financières avec les banques et les groupes d’assurance pour lesquels nous anticipons un redressement des résultats et des dividendes confortables. Pour le thème environnement, nous n’avons plus d’énergie renouvelable, pour des raisons de valorisation et d’évolution de la réglementation, et sommes concentrés sur le recyclage et l’efficacité énergétique des bâtiments. Enfin, pour la thématique ruptures, nous la jouons via des producteurs de machines pour l’industrie des semi-conducteurs comme ASML et ASMI.

TB