GESTION DE FORTUNE - Le Magazine de la Gestion Privée

Accompagner la vague de la Silver économie

Thierry Rigaudière

Interview de Thierry Rigaudière, Responsable de la gestion thématique et midcaps

A qui s’adresse le fonds R-co Thematic Silver Plus ?

Géré par Nathalie Bourdoncle et Valérie Oelhoffen, le fonds R-co Thematic Silver Plus a été lancé il y a un peu plus de 10 ans. Il s’adressait à l’origine aux investisseurs particuliers, clients des CGP et des banques privées. Depuis quelques années, il intéresse beaucoup les investisseurs institutionnels à la recherche de diversification sur un segment de croissance pérenne. Initialement, le thème d’investissement était le vieillissement de la population. A présent, l’univers d’investissement couvre l’ensemble de ce que la communauté européenne définit comme la Silver économie1.

Comment s’articule votre approche ?

Nous avons souhaité déployer une approche thématique pure. Aussi, chaque secteur d’activité est appréhendé de façon segmentée afin d’identifier précisément les acteurs qui relèvent de la Silver économie. Chaque société est étudiée pour déterminer si son offre de produits/services répond aux besoins des séniors à savoir l’amélioration de leur santé ou de leur confort de vie. N’entrent dans l’univers d’investissement que celles dont la croissance est liée à la Silver économie.

Comment appréhendez-vous par exemple le secteur financier ?

Pour reprendre la définition de la Commission européenne, on devient senior dès 50 ans or c’est précisément l’âge à partir duquel la majorité des individus prend conscience de l’importance d’épargner dans la perspective de leur retraite et de se protéger des aléas liés au vieillissement en souscrivant des assurances spécifiques (dépendance, santé…). Dès lors, nous privilégions, dans le secteur financier, les asset managers, les acteurs de l’assurance vie et de la prévoyance. Tel que nous l’avons conçu, l’univers d’investissement est riche et s’élargit à l’occasion d’introductions en Bourse (comme Synlab récemment). Il intègre un grand nombre de métiers qui vont des services de santé (hospitalisation à domicile, résidences de santé) aux activités touristiques en passant par la nutrition (compléments alimentaires, vitamines).

La population des séniors est diverse. Comment en tenez-vous compte ?

Nous distinguons deux catégories de séniors. Les séniors actifs, généralement âgés de 50 à 70 ans, sont en bonne santé et ont envie de consommer. Les retraités, quant à eux, sont âgés de plus de 70 ans et en perte d’autonomie progressive. Ces derniers sont davantage concernés par les équipements médicaux, les diagnostics, la domotique ou encore la télémédecine, une pratique qui s’est démocratisée avec la crise sanitaire récente. Le thème de la numérisation est donc naturellement présent dans le portefeuille, notamment avec des éditeurs de logiciels pour les hôpitaux, les pharmacies et les médecins de ville.

Quelle zone géographique couvrez-vous ?

Le fonds est investi en Zone euro à hauteur de 90 %. Le solde est investi dans d’autres pays et plus spécifiquement en Suisse et au Royaume-Uni
où sont cotés plusieurs groupes pharmaceutiques mondiaux. L’Europe, du fait de son vieillissement précoce, figure en effet en bonne place pour créer des acteurs d’envergure internationale qui, forts d’une expérience solide, peuvent aujourd’hui se déployer sur les marchés émergents, très prometteurs. En observant de près les entreprises du portefeuille, toutes cotées en Europe, il apparait d’ailleurs que la part de l’activité européenne ne représente que 56 % de leur activité et qu’un quart de leur chiffre d’affaires est réalisé aux Etats-Unis et le solde dans le reste du monde.

Dans quels domaines le savoir-faire européen s’exporte-t-il ?

Dans la santé de spécialité, la société familiale espagnole Grifols a trouvé des relais de croissance non seulement aux Etats-Unis mais désormais en Chine avec la signature d’une co-entreprise avec un acteur local. Outre la pharmacie, on peut citer le secteur des maisons de retraite et des cliniques de soins gériatriques avec ORPEA. Le groupe français intensifie sa présence en Amérique du Sud. Il s’est ainsi déployé au Brésil, au Chili et en Uruguay où il rachète de nombreuses petites structures locales.

Comment est structuré le portefeuille ?

Il est composé d’une cinquantaine de positions. Suffisamment diversifié puisque les pondérations sont rarement supérieures à 5 %, il est le reflet des convictions fortes de l’équipe. Nous appréhendons chaque dossier de manière qualitative. Dès lors, toutes les valeurs d’un même secteur, comme par exemple le luxe ou l’automobile, ne rentrent pas nécessairement dans notre portefeuille. La rigueur de nos analyses permet d’intégrer les acteurs les plus en phase avec les besoins de la population des séniors.

 Comment sélectionnez-vous les valeurs du portefeuille ?

Nous exploitons les outils de l’analyse financière classique tout en étant attentifs à la qualité du management et au momentum des perspectives bénéficiaires du titre. Les critères ESG sont intégrés dans le processus de sélection des valeurs. Notre stock picking implique un biais croissance. Nous investissons aussi bien sur des valeurs moyennes comme Pharmagest ou sur de très grands groupes comme L’Oréal ou Novo Nordisk.

Le thème d’investissement garde-t-il du potentiel ?

L’allongement de l’espérance de vie, observée au niveau mondial, implique une hausse pérenne des dépenses liées au vieillissement. En 2050, la population mondiale des plus de 65 ans aura doublé pour atteindre 1,5 milliards d’individus et les plus de 80 ans en représenteront 30 %. Cette accélération s’explique par un double phénomène car le vieillissement de la population est à la fois la conséquence de la hausse de l’espérance de vie et celle de la baisse de la natalité. Autre atout des acteurs de la Silver économie : leurs clients, les séniors, sont solvables. Leur patrimoine leur permet de faire face à l’ensemble des dépenses qui sont nécessaires pour leur santé et leur bien-être. Par ailleurs, la crise liée à la pandémie a fait prendre conscience aux pouvoirs publics européens des efforts d’investissement à réaliser dans toute la chaine de la santé. C’est donc une véritable thématique de croissance pérenne.

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1. « Nous définissons l’Économie des Séniors ou la Silver économie comme étant la somme de toutes les activités économiques qui répondent aux besoins des personnes âgées de 50 ans et plus, y compris les produits et services qu’elles achètent directement et l’activité économique supplémentaire que génèrent ces dépenses. Ainsi, la Silver Économie englobe un éventail d’activités économiques liées à la production, à la consommation et au commerce de biens et de services intéressant les personnes âgées, tant publiques que privées, ainsi que les effets directs et indirects de ces activités ». Source : La Silver économie - Une étude préparée pour la Commission européenne par Technopolis Group et Oxford Economics (2018).

TB