L'Edito du mois - Juillet-août 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Pfff !

Je me suis plongé dans cette loi Pacte dont on nous rebat les oreilles depuis des mois. Ce « plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » a été lancé le 23 octobre 2017. Cette fois, le texte est officiel après 19 mois. Et quand on y plonge, on y coule ! 155 pages au Journal Officiel, près de 130 000 mots, sans doute 300 à 500 000 avec les textes de modalités. La logorrhée législative devient une habitude ! Le pire c’est l’imprécision de cette loi qui laisse à l’administration du Trésor et à celle des finances publiques le soin d’expliquer ce qu’il faut comprendre. Je m’étonne d’ailleurs que l’on puisse renvoyer les aspects fiscaux à une ordonnance. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001 n’impose-t-elle pas que les questions fiscales soient réglées par une loi de finances de façon à cadrer les dépenses publiques ? A suivre.

A la lecture, cette loi Pacte me fait penser à cette boutade malicieuse d’Alan Greenspan, l’ancien patron de la Réserve fédérale américaine, lors de l’une de ses conférences : « Si vous avez compris ce que je viens de vous dire, c’est que je me suis probablement mal exprimé ». Il jargonnait tellement qu'il avait été rebaptisé « the master of obfuscation » par le Wall Street Journal, « le maître de l'obscurcissement ». Personne n’avait sa propension à embrouiller les esprits et il s’en amusait. On en vient à se demander s’il n’en est pas de même à Bercy avec une espèce de jouissance à balader les commentateurs et les épargnants dans ses labyrinthes. Pour les professionnels déjà éreintés par les délires de MIF 2, DDA et Priips, ce nouveau tsunami « bercynien » est usant.

Le PEA était une enveloppe permettant de défiscaliser les plus-values après cinq ans. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C’est désormais un « machin » à double seuil et à fiscalité douteuse – torpillé par des cotisations sociales et maintenant par une amende de 2 % pour ceux qui se font flasher hors des clous – qui pourra intégrer du crowdlending, des minibons, des obligations convertibles. Je doute que ce PEA new look fasse mieux que son score actuel de 2 % d’épargne financière des ménages (92 Md€ sur 4 800 Md€).

De même pour l’assurance vie, pourquoi continuer ce qui marche pour le plus grand bonheur des Français ? Bercy a concocté le « PER », plan d’épargne retraite, censé booster le bazar actuel des Perp, article 83, Madelin, Perco, Prefon. Un bazar qui ne pèse aujourd’hui que 219 Md€ et qui aurait vocation à succéder aux 1 750 Md€ de l’assurance vie. Chacun aura son PERin (individuel), son PERco (collectif) et son PERcat (catégoriel). Lesquels pourront être ouverts auprès d’un assureur ou d’une société de gestion. Ce PER s’annonce comme un vrai centre Beaubourg de tuyauteries financières et fiscales pour les transférabilités entre les produits et les compartiments. On va encore s’amuser !

Pfff (soupir après avoir lu quelques pages de ce Journal officiel... ) ! Bonnes vacances quand même !