L'Edito du mois - Octobre 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Cabrel a raison

Cet effondrement des taux d’intérêt en terra incognita, dansle ZYNY (acronyme de Zero Yield to Negative Yield) world, est assez angoissant. L’emprunteur, à contre-courant de l’évidence, est rémunéré par celui qui lui prête l’argent. On se dit que le monde marche sur la tête ! Le « loyer de l’argent » n’a plus cours. Comme si un bailleur devait payer son locataire pour qu’il occupe son bien. C’est un chamboulement dont on a du mal à apprécier les conséquences, les économistes sont d’ailleurs très partagés sur cette question.

A qui profite le crime ? Les Etats évidemment, à commencer par notre pays, massivement surendetté ! Selon Gérald Darmanin, les finances publiques vont économiser environ 2 Md€ cette année. Une terrible incitation à relâcher les efforts d’assainissement budgétaire ! Les emprunteurs, entreprises et ménages, vont tomber dans ce piège de l’argent gratuit ! La dette des Français a allégrement passé le cap des 100 % de leur revenu disponible, celle des entreprises représente, elle, plus de 80 % du PIB, un niveau record dans les pays développés. Même les sociétés les plus vulnérables tirent parti de cette braderie.

Rendez-vous compte, à 30 ans, l’Etat français emprunte presque à 0 % ! L’Etat allemand, fin août, a réussi – partiellement (824 M€ sur 2 Md€) – une levée de dette à taux à -0,11 %1. L’encours d’emprunts remboursés sous le pair atteint près de 16 000 Md$ dans le monde ! L’argent coule à flot ! Et peut aussi nous couler. Le tsunami d’emprunts immobiliers gonfle exagérément la cote des biens, il affaiblit la solidité des banques qui tentent de se rattraper tant bien que mal, il appauvrit aussi les épargnants. Ces taux négatifs sont un vrai défi pour la gestion de patrimoine et pour les CGP. Sapin 2 et l’option de suspension des valeurs de rachat des assurances vie prennent tout leur sens dans ce contexte périlleux pour les compagnies. Difficile en effet de promettre un rendement négatif aux souscripteurs (c’est déjà le cas en taux réel déflaté sur les fonds en euros mais les clients n’en sont pas conscients, heureusement) !

Le dernier rapport annuel du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) ne manque pas de mettre sous surveillance le marché immobilier, composante majeure de la fortune des Français, « pour éviter des effets de débordement négatif sur le reste de l’économie ».

La main invisible c’est bien sûr celle des Etats et des banques centrales. Cette répression financière est la meilleure solution qu’ils aient trouvée pour alléger leurs gabegies budgétaires. Dans ce contexte où l’argent n’a plus de valeur temps, l’actuelle réforme des retraites engagée par le gouvernement sonne vraiment faux.

Comme le dit le chanteur, est-ce que ce monde est sérieux !

1. Avec une hypothèse d’inflation à 1,4 % sur les 30 prochaines années, la perte réelle pour l’investisseur est de 50 % !