18042024

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Actualité des sociétés

Questionnaire sur les préférences durables : le grand flou


enquete vert

La mise en place de cette nouvelle réglementation est loin d’être bien organisée. Les PSI sont déjà tenus de la respecter alors que les CIF ont jusqu’au 1er janvier 2023 pour s’y conformer. Pour l’heure, les lignes directrices de cette nouvelle injonction n’ont toujours pas été précisées…

La nouvelle réglementation imposant de présenter un questionnaire aux clients pour les sonder sur leur appétence pour des placements durables est en place depuis le 2 août dernier. Ces obligations imposées par l’Union européenne aux promoteurs et distributeurs de services financiers n’entrent pas toutes en vigueur au même moment : 2 août 2022 pour les uns (Les PSI, prestataires de service d’investissement), 22 novembre 2022 pour les autres, 1er janvier 2023 pour les CIF. Qu’en est-il depuis lors ? Avec quelle efficacité et implication des premiers intéressés ?

La réglementation est relativement précise sur le process à observer. Il s’agit, dorénavant, d’introduire un acte délégué dans lequel le client fait part de ses « préférences durables ». Si celui-ci indique qu’il en a effectivement il doit répondre à un questionnaire élaboré en trois séquences :

-Il doit choisir le taux d’alignement du produit avec la taxonomie européenne.

-Il doit choisir le taux d’alignement du produit avec la notion d’investissement durable (SFDR)

-Il doit indiquer s’il recherche un produit qui réduit les incidences négatives sur l’environnement, la biodiversité ou les droits humains.

S’il répond qu’il n’a aucune attente ni préférence durable, il n’est pas tenu de réponde au questionnaire.

Cette nouvelle contrainte imposée aux professionnels de l’épargne pourrait n’être qu’une nouvelle couche réglementaire si celle-ci n’était pas anachronique. «On attend toujours de la part de l’ESMA les lignes directrices qui vont préciser le cadre réglementaire pour ce questionnaire. Si l’organe de régulation européen a initié une consultation sur le sujet au printemps dernier, il n’a toujours pas donné les lignes finales », soutient Laurence Caron-Habib, responsable des affaires publiques chez BNPP AM qui constate en effet que les différentes briques de cette réglementation n’ont pas été mises dans le bon ordre.

Situation rocambolesque

On est effectivement dans une situation rocambolesque où l’on impose à tous les distributeurs de produits financiers des règles dont les contours ne sont pas encore fixés….Les entreprises sont, elles aussi, contraintes de donner des indications alors que l’ESMA n’a pas encore décidé quelles devaient être leur nature. Mieux : le premier critère impose de sonder les clients par rapport à la taxonomie européenne. Or celle-ci n’a toujours pas défini l’ensemble de ses prérogatives. Si elle a avancé sur les critères vis-à-vis du climat, reste encore à définir ceux relatifs aux ressources aquatiques, la pollution, l’économie circulaire et la biodiversité.

Selon Laurence Caron-Habib, les différentes instances réglementaires devraient, sans doute, réussir à s’entendre sur des critères précis avec un système métrique particulier vers la fin de l’année, pour une application en début d’année prochaine.

En attendant, nombre de protagonistes du secteur ont toutefois commencé à interroger leurs clients pour faire bonne figure. Mais comme aucun questionnaire standard n’est apparu, chacun fait à sa façon (un peu comme pour l’élaboration des produits ESG).

Instaurer un vrai dialogue

« On est encore loin d’être arrivé au bout du chemin. Il faut dire que ces concepts sont nouveaux. Il faut donc instaurer un vrai dialogue entre les différentes parties prenantes pour avancer. Ces réflexions sont très importantes. Elles participent d’une vraie logique et sont structurantes. Elles ont pour objectif d’aboutir à une harmonisation des standards. Etape indispensable pour faire taire le greenwashing », commente la responsable des affaires publiques de BNPP AM.

Le calendrier finalement retenu par les instances européennes devrait, en tout cas, faciliter la vie des CIF, qui ont jusqu’au début de l’année prochaine pour se conformer à cette nouvelle réglementation. D’ici là, certaines zones d’ombre auront sans doute été éclaircies. Surtout, des indications plus précises auront vraisemblablement été données aux émetteurs qui naviguent aujourd’hui à vue.

Laurence Caron-Habib estime qu’il est raisonnable de penser que les autorités européennes auront avancé sur les lignes directrices et les différents chapitres de la taxonomie européenne. Il faut toutefois savoir que pour arriver jusque là, les différents organes (Commission, Parlement, instances de régulations locales) devront s’être entendus sur tous les paramètres. Rien n’est donc assuré.

La question est posée de savoir si, en attendant ces précisions élémentaires, les différents organes de surveillance, comme l’AMF en France, sont susceptibles de taper sur les doigts de ceux n’ayant pas mis en place un questionnaire suffisamment précis et renseigné.

PBB