04102024

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Loi de finances

Le « Plan d’épargne Avenir Climat » : mode ou opportunité ?


Stéphane Fantuz - Didier Kling

Le futur PEAC fonctionnera sur la base de titres dits verts mais n’aura ni la souplesse de fonctionnement du PER, ni la garantie des fonds en euros que ce dernier propose.

 

 

Le « Plan d’épargne avenir climat » (PEAC) issu de la loi industrie verte et confirmé par le projet de loi de finances (PLF) 2024 sera distribué par les établissements financiers en juillet prochain. Ce nouveau produit réglementé proposé par le gouvernement, vise à encourager l’épargne des jeunes Français au service de la transition climatique.

Sur la forme, l’objectif est louable au sens où cette nouveauté incite les acteurs financiers à proposer des placements plus responsables et les épargnants à se projeter sur le long terme. Cependant, ce PEAC arrivera sur un marché peu structuré, vu comme immature par les épargnants et paradoxalement déjà saturé en offres : l’assurance vie ISR, le plan d’épargne retraite (PER) ISR, le plan d’épargne en action (PEA), les comptes avec titres d’entreprises éco-responsables, les green bonds (obligations vertes), le crowdfunding à vocation durable…Soit une palette imposante de placements alternatifs qui pèsent actuellement plus de 2 100 milliards d'euros en France, selon les estimations du Point.

Que dire également du livret de développement durable et solidaire (LDDS) lancé en 2016 avec la promesse d’allier la sécurité et la responsabilité ? Présentant les mêmes caractéristiques financières que le livret A, il est actuellement détenu par 24 millions de Français. Paradoxalement, il n’est quasiment plus visible et rares sont désormais les établissements financiers à en faire la promotion.

Est-il réellement « vert » ? En pratique, lorsqu'un épargnant dépose 100 euros sur son LDDS, 60 euros partent en direction de la Caisse des dépôts (CDC) et des banques pour leur fonds de roulement. 32 à 34 euros environ sont employés au financement des PME. Quatre euros sont dirigés vers l’environnement et deux euros vers l’économie sociale et solidaire. En réalité, le LDDS expose ses détenteurs à une efficacité très relative de leur épargne en faveur de la transition écologique.

Ouverture du PEAC et fermeture du PER

Est-ce à craindre qu’il en soit de même pour le PAEC ? Ouvrable dès la naissance d’un enfant, il doit être clôturé au plus tard au 30ème anniversaire de son détenteur. Plafonné à 22 950 €, son avantage réside dans l'exonération totale d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux de la plus-value éventuellement réalisée à son terme.

Présenté comme une grande innovation économique et financière par le gouvernement, il souhaite s’assurer de son succès en fermant simultanément l’accès au PER pour ce segment de population. Une mesure quelque peu contradictoire dans la mesure où la récente réforme de la retraite appelait les Français à prendre davantage leurs responsabilités par des alternatives à la répartition.

Au surplus, le futur PEAC fonctionnera sur la base de titres dits verts mais n’aura ni la souplesse de fonctionnement du PER, ni la garantie des fonds en euros que ce dernier propose. Quel épargnant peut accepter une équation hasardeuse entre une forte rentabilité et une maîtrise incertaine d’une perte en capital ?

Modifier le PEA et le PER aurait été plus efficace

De plus, au moment où tous les acteurs appellent à une décollecte de l’épargne de précaution déposée massivement durant la pandémie, n’allons-nous pas assister à un déplacement des poches de placements entre elles, au détriment du financement de l’économie réelle ?

Trois solutions nous seraient apparues plus optimales. Tout d’abord, la revalorisation de la part accordée à la protection de l’environnement au sein du LDDS. Ensuite, le maintien du PER, révisé pour répondre aux enjeux du financement de l’industrie, de l’économie et des retraites. Mais aussi la réforme du PEA pour lequel nous avions demandé en 2021, la création d'un pléiade-jeunes (réservé uniquement à des « large cap ») ouvrable dès la naissance, pour permettre aux jeunes de profiter d’un capital à leur majorité ou à leur entrée dans la vie active.

Ce qui ne sera pas forcément le cas avec le PEAC dont les sorties seront très encadrées et coercitives, risquant ne pas couvrir les besoins des 18-25 ans au moment opportun (financement du logement et des études). Un PEA qui bénéficie par ailleurs d’une stabilité fiscale dans ce collectif budgétaire en direction des mineurs ; ce qui constituait une bonne occasion de le faire évoluer davantage.

Harmonisation nécessaire

A l’heure où les produits et les labels en faveur du climat se multiplient, il est indispensable de préciser le cadre de la finance durable en France. Ce n’est certainement pas en multipliant les produits “durables” que l’intérêt de nos compatriotes pour le verdissement de l’épargne et une économie décarbonée grandira.

Il serait plus sage de privilégier la pédagogie financière et la structuration du marché autour des trois grands types d’investissements actuellement disponibles : la finance solidaire, l’investissement socialement responsable (ISR) et la finance verte. A ce jour, chacun a son propre système de labellisation. Sans harmonisation, ces solutions patrimoniales resteront peu lisibles et peu accessibles. C’est pourtant l’une des conditions pour que la transition climatique ne demeure pas qu’un simple concept marketing et se traduise en actes.