04102024

Retour

Actualité des sociétés

Capital humain et performances

 
Capital humain et performances

Interview de Aymeric Gastaldi, Gérant - Edmond de Rothschild Asset Management.

 

Le fonds EdR Fund Human Capital fêtera son troisième anniversaire cet automne. Quelles sont ses principales caractéristiques ?
Créé en novembre 2020, EdR Fund Human Capital est un fonds thématique, investi en actions internationales. Il fait suite à une réflexion de plusieurs années menée en interne sur la notion de capital humain, un thème défendu de longue date par Ariane de Rothschild, CEO du Groupe Edmond de Rothschild. Il s’inscrit dans le prolongement d’une innovation continue menée par nos équipes depuis 1985 dans la création de stratégies thématiques. Il complète ainsi une gamme qui couvre des thèmes porteurs tels que le big data, les licornes technologiques européennes, la santé, le changement climatique ou encore le métavers.

Pourquoi avoir choisi ce thème ?
Dans nos fonds thématiques, l’idée est d’exploiter les tendances qui façonnent l’économie tout en donnant du sens aux investissements. Or, nos sociétés font aujourd’hui face à un challenge démographique, combiné à l’accélération du progrès technique qui mène, faute de formation suffisante, à l’obsolescence du capital humain. Nous avons pu par ailleurs observer, dans le cadre d’une étude interne, une corrélation forte entre de bonnes pratiques RH et les performances des entreprises.

Quelles sont, dès lors, les entreprises qui composent votre univers d’investissement ?
Nous nous intéressons aux entreprises qui ont pleinement intégré le fait que le capital humain est un moteur essentiel de productivité et de croissance durable, ainsi qu’à celles dont les modèles économiques ont un fort impact sur le développement du capital humain, en mettant l’accent sur l’éducation et le développement des savoirs mais aussi sur la protection des employés. Concrètement, le portefeuille s’articule autour de deux poches d’investissement distinctes. La première concerne les entreprises qui ont développé la capacité de retenir et de former les talents parmi leurs effectifs et qui, par conséquent, auront un avantage concurrentiel durable. La seconde intègre les firmes dont le business model s’appuie sur la diffusion de solutions qui permettent la bonne gestion du capital humain. Nous disposons donc d’un gisement d’opportunités large et diversifié, ce qui nous permet, via une approche équilibrée, d’adresser la thématique dans sa globalité.

Comment sélectionnez-vous les entreprises les plus vertueuses du point de vue de la gestion de leur capital humain ?
Parallèlement à notre analyse financière, nous effectuons une due diligence sociale de chaque entreprise en étudiant en détail les pratiques RH au moyen de 25 à 30 critères spécifiques, tels que par exemple le turnover des équipes, la qualité et la durée des contrats de travail proposés, la formation des employés ou encore le respect de la parité et de la diversité à tous les niveaux de hiérarchie. Nous privilégions aussi le dialogue avec les salariés et sommes attentifs aux certifications Great place to work et aux ressources de la plateforme Glassdoor. Dans ce domaine, tous les secteurs sont concernés, ce qui permet d’avoir un portefeuille correctement diversifié.

Quelles sont les tendances actuelles en matière de capital humain ?
Le rapport de force entre employeurs et employés est en train de s’inverser au profit des employés. Celui-ci est alimenté par un déficit structurel de main d’œuvre. Si la réduction de la force de travail dans les pays développés est actée depuis plusieurs années, le phénomène s’intensifie, par exemple en Allemagne où le déficit anticipé pour 2030 est de 4 à 5 millions de personnes pour un total d’actifs d’environ 45 millions d’individus. On s’attend à des problèmes similaires en Espagne, aux états-Unis ou encore au Canada. La crise sanitaire a accéléré la dynamique en cours avec le départ en retraite ou la sortie du marché du travail de nombreuses personnes. Il s’agit d’un changement démographique majeur d’autant que le phénomène s’installe désormais dans les pays émergents, jusqu’alors grands fournisseurs de main d’œuvre. A titre d’exemple, les besoins de requalification des employés concernaient, en 2022, un tiers des forces de travail chinoises pour atteindre les objectifs de croissance fixés par le gouvernement en 2030.

Quelle est la composition actuelle de l’équipe de gestion et sur quelles ressources s’appuie-t-elle ?
L’équipe est composée de Jean-Philippe Desmartin, co-gérant et responsable de l’équipe investissement responsable ; de Patricia
Urbano, co-gérante ; d’Elise de Coligny, analyste et de moi-même. Pour mener à bien notre mission, nous nous appuyons sur les travaux réalisés sur les mégatendances du capital humain par l’équipe de notre cheffe économiste, Mathilde Lemoine, et sur l’analyse ESG produite en interne. Nous bénéficions également de ressources externes, à savoir les études et enquêtes effectuées par un vaste réseau d’experts indépendants tels que GLG, Gartner, Qalis ou encore IFRI. Enfin, nous avons développé des collaborations avec l’Université Paris I – Panthéon Sorbonne et avec l’Université de Ferrara en Italie.

Quels sont les biais, sectoriels ou autres, observables dans votre portefeuille ?
Nous évitons autant que possible les activités cycliques, ce qui implique que nous ne sommes par exemple pas présents sur les secteurs bancaires, miniers et pétroliers. A l’inverse, nous apprécions la récurrence importante du chiffre d’affaires de certains acteurs technologiques et du secteur du logiciel notamment. Nous sommes également présents sur le secteur de la santé et de la pharmacie et avons un biais important sur les franchises fortes avec des marques comme Hermès, LVMH, L’Oréal ou encore Ferrari.

Quel est le profil actuel du portefeuille ?
Nous détenons une cinquantaine de titres dans le fonds avec, comme évoqué, une équipondération entre les firmes qui répondent à un modèle économique à fort impact capital humain et celles qui font preuve d’excellence en matière de ressources humaines. L’objectif étant d’investir sur le long terme via un portefeuille ainsi équilibré, le turnover du portefeuille est relativement faible, autour de 20 %. Notre diversification sectorielle et géographique est principalement le résultat de notre stock-picking.
On observe tout de même un biais domestique sur l’Europe du fait d’un meilleur accès aux informations et de comportements plus vertueux des entreprises du continent par rapport à celles cotées en Asie ou en Amérique. L’analyse des facteurs de style du portefeuille montre enfin que le fonds a un biais notable au facteur
qualité. Ce résultat est pleinement cohérent à la fois avec notre approche ESG et notre thème d’investissement, les entreprises ayant des problèmes financiers étant bien évidemment moins enclines à augmenter les postes de coûts liés aux capital humain.

Thierry Bisaga