29042024

Retour

Actualité des sociétés

Pacte Dutreil : quid en cas d’activité mixte de la société


dutreil 410X200

Un arrêt de principe de la Cour de cassation censure la position interprétative de l’administration sur cette question de l’activité mixte éligible/non éligible. Les juges du fond doivent se livrer à une analyse concrète de la prépondérance des activités éligibles.

Pour bénéficier du dispositif Dutreil prévu par l’article 787 B du code général des impôts, « il n’est pas exigé que la société exerce à titre exclusif les activités » dites ICAAL (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale) ; « il suffit qu’elle les exerce de façon prépondérante » (CE, 8e et 3e ch réunies, 23 janvier 2020, n°435562 , reprise au BOFiP-Impôts BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n°20). Dès lors, « le bénéfice du régime de faveur ne pourra pas être refusé aux parts ou actions d'une société qui exerce à la fois une activité civile, autre qu'agricole ou libérale, et une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale dans la mesure où cette activité civile n'est pas prépondérante » (Rép. Min. Bobe, n° 94047, JO AN du 24 octobre 2006, p. 11064).

Le caractère prépondérant de l’activité ICAAL s’apprécie en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice (CE 23 janvier 2020, n°435562 ; Cass. com., 14 octobre 2020, n° 18-17.955). En cas de prépondérance reconnue, le bénéfice de l’exonération est total sur 100% de la valeur des titres transmis. Cette notion de faisceau d’indices est évidemment floue, donc insécurisante pour les praticiens en charge d’établir un pacte Dutreil. Aussi, estime l’administration (BOFIP précité) , « à titre de règle pratique », il est admis qu’une société exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de façon prépondérante lorsque deux conditions sont satisfaites cumulativement :

1) Le chiffre d’affaires procuré par cette activité représente au moins 50% du montant de son chiffre d’affaires total.

2) La valeur vénale de l’actif brut immobilisé et circulant affecté à cette activité représente au moins 50% de la valeur vénale de son actif brut total.

Un arrêt de censure du fisc

Dans une affaire que vient d’examiner la Cour de cassation, la société pour laquelle son dirigeant demandait le bénéfice du dispositif Dutreil, développait une activité mixte à la fois commerciale avec des prestations de services rendues dans le domaine de l'audiovisuel et une activité civile de gestion de patrimoine. La cour d’appel a rejeté le recours du contribuable car celui-ci « ne rapporte pas la preuve que les actifs affectés à l'activité commerciale représenteraient plus de 50 % de son actif brut et que l'actif brut de la société Parasol Production serait majoritairement constitué de valeurs mobilières de placement ne présentant pas un caractère professionnel ».

La Cour de cassation censure et donc rejette cette appréciation comptable proposée par l’administration « à titre de règle pratique », exigeant des magistrats du fond qu’ils se livrent à une analyse concrète des indices de commercialité. « En se déterminant ainsi, sans examiner, comme il lui incombait, l'ensemble des indices dont se prévalait le contribuable pour démontrer le caractère principalement commercial de la société, en particulier les éléments relatifs à la nature de l'activité exercée et les conditions de son exercice, et sans rechercher, comme elle y était invitée, si les liquidités et titres de placement inscrits au bilan de la société Parasol production constituaient des actifs dont l'acquisition découlait de son activité sociale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

La règle proposée par l’administration avait le mérite d’être claire, même si elle pouvait paraître rigide et sans doute contraignante devant rester satisfaite tout au long des engagements de conservation des titres ; l’appréciation in concreto requise par la Cour de cassation peut certes conduire à donner gain de cause aux contribuables mais elle suscite l’incertitude sur la validité du pacte…

(Cass.com. 13 mars 2024, Pourvoi n° 22-15.300, Publié au Bulletin).

JDE