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L'Edito du mois - Décembre 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Peur de perdre

«La peur de perdre l’emporte sur l’envie de gagner ! », déplore Meyer Azogui, président de Cyrus. C’est très juste, même si je préfère dire que la certitude de perdre peu – puisque tous les placements sécuritaires sont désormais en rendement négatif réel – l’emporte sur l’envie de gagner beaucoup. En France, l’épargnant ne rêve pas d’être riche, il rêve de perdre le moins possible !

J’aime bien cette confidence du président de BlackRock à qui son banquier privé pose cette question KYC : « vous voulez du risque ou pas ? » On demande au client : « entre 0 % par an (l’actuel niveau de garantie d’une assurance vie en euros) et une amplitude de -40 à +40 %, vous préférez quoi ? » Ce n’est pas la bonne question. Parce qu’un placement se conçoit sur plusieurs années, l’alternative devrait être : « dans une optique à dix ans, je vous propose soit d’être sûr de perdre en pouvoir d’achat de 0 à -10 % (ce qui devrait correspondre à un placement sécuritaire par rapport à une inflation entre 1 et 1,5 %), soit une amplitude qui va d’un gain pouvant dépasser 100 % à une perte possible (historiquement, sur dix ans, on n’a jamais fait -40 % !), que préférez-vous ? » « Les performances passées ne préjugent pas de l’avenir », alertent les mentions réglementaires. Mais lorsque je vois des publicités – ou des articles de presse – montrant que le fonds en euros des bonnes assurances vie a rapporté tant de rendement depuis cinq ou dix ans, c’est évidemment une information trompeuse ! Le temps de la performance paresseuse est révolu ! Net d’infla- tion et de prélèvements sociaux, l’assurance vie en euros n’assure plus rien. La liquidité a désormais un coût. Des banques privées ont d’ailleurs décidé de répercuter la taxe de la BCE sur leurs clients VIP. Sous prétexte d’information trompeuse, on n’a pas le droit de dire au client qu’une Sicav actions françaises comme celle de Banque Saint Olive – que nous venons de distinguer d’un Globe d’Or de la gestion – aurait pu lui faire gagner 130 % sur huit ans. Ce qui correspond à 112 ans de l’actuel Livret A ! C’est vrai que le passé ne préjuge pas de l’avenir, mais il en donne un avant- goût, non ? La peur de perdre est encore plus dérisoire à côté du risque de gain à la vue des 295 % sur huit ans du fonds Etats-Unis géré par Morgan Stanley (auquel nous avons aussi décerné un Globe d’Or). 295 %, soit 184 ans de Livret A. Le Livret A du grand-père, du père, du fils ne suffiraient pas. À l’heure où le PER relance l’ambition de flécher l’épargne vers l’économie, il est temps d’expliquer aux épargnants cette nouvelle réalité : avec votre Livret A ou votre fonds en euros, la perte est garantie. Faible mais garantie. Avec des solutions appelées « à risque », la perte est possible mais le potentiel est garanti ! L’obsession de la sécurité est, dans le nouveau contexte d’aujourd’hui de taux nuls et négatifs, ruineuse pour les épargnants et ruineuse pour l’économie. « Tu ne traverseras jamais l’océan si tu as peur de perdre de vue le rivage », écrit Christophe Collomb.

Le sommaire du mois - Novembre 2019

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Le sommaire du mois - Octobre 2019

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L'Edito du mois - Octobre 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Cabrel a raison

Cet effondrement des taux d’intérêt en terra incognita, dansle ZYNY (acronyme de Zero Yield to Negative Yield) world, est assez angoissant. L’emprunteur, à contre-courant de l’évidence, est rémunéré par celui qui lui prête l’argent. On se dit que le monde marche sur la tête ! Le « loyer de l’argent » n’a plus cours. Comme si un bailleur devait payer son locataire pour qu’il occupe son bien. C’est un chamboulement dont on a du mal à apprécier les conséquences, les économistes sont d’ailleurs très partagés sur cette question.

A qui profite le crime ? Les Etats évidemment, à commencer par notre pays, massivement surendetté ! Selon Gérald Darmanin, les finances publiques vont économiser environ 2 Md€ cette année. Une terrible incitation à relâcher les efforts d’assainissement budgétaire ! Les emprunteurs, entreprises et ménages, vont tomber dans ce piège de l’argent gratuit ! La dette des Français a allégrement passé le cap des 100 % de leur revenu disponible, celle des entreprises représente, elle, plus de 80 % du PIB, un niveau record dans les pays développés. Même les sociétés les plus vulnérables tirent parti de cette braderie.

Rendez-vous compte, à 30 ans, l’Etat français emprunte presque à 0 % ! L’Etat allemand, fin août, a réussi – partiellement (824 M€ sur 2 Md€) – une levée de dette à taux à -0,11 %1. L’encours d’emprunts remboursés sous le pair atteint près de 16 000 Md$ dans le monde ! L’argent coule à flot ! Et peut aussi nous couler. Le tsunami d’emprunts immobiliers gonfle exagérément la cote des biens, il affaiblit la solidité des banques qui tentent de se rattraper tant bien que mal, il appauvrit aussi les épargnants. Ces taux négatifs sont un vrai défi pour la gestion de patrimoine et pour les CGP. Sapin 2 et l’option de suspension des valeurs de rachat des assurances vie prennent tout leur sens dans ce contexte périlleux pour les compagnies. Difficile en effet de promettre un rendement négatif aux souscripteurs (c’est déjà le cas en taux réel déflaté sur les fonds en euros mais les clients n’en sont pas conscients, heureusement) !

Le dernier rapport annuel du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) ne manque pas de mettre sous surveillance le marché immobilier, composante majeure de la fortune des Français, « pour éviter des effets de débordement négatif sur le reste de l’économie ».

La main invisible c’est bien sûr celle des Etats et des banques centrales. Cette répression financière est la meilleure solution qu’ils aient trouvée pour alléger leurs gabegies budgétaires. Dans ce contexte où l’argent n’a plus de valeur temps, l’actuelle réforme des retraites engagée par le gouvernement sonne vraiment faux.

Comme le dit le chanteur, est-ce que ce monde est sérieux !

1. Avec une hypothèse d’inflation à 1,4 % sur les 30 prochaines années, la perte réelle pour l’investisseur est de 50 % !

Le sommaire du mois - Septembre 2019

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L'Edito du mois - Septembre 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Liquide

Quand on prononce ce mot « liquide », on pense à l’eau. A H2O aussi maintenant. Voilà une affaire médiatique qui a perturbé les esprits. Oh, certes, Bruno Crastes, le DG de la société londonienne, vedette de la gestion d’actifs pour la brillance de ses performances, a parfaitement communiqué dès que le Financial Times a déclenché la polémique. Ses explications sur son site, dans un Q&A d’une rare précision, m’ont convaincu que cette agitation ressemblait à une tempête dans un verre d’H2O (d’eau). Mais le risque de réputation, avec des rumeurs déformantes, peut déstabiliser et laisser des traces.

Cette affaire est intervenue au moment où la City anglaise découvrait avec stupeur la crise de liquidité provoquée chez Neil Woodford, gestionnaire réputé. Ni la Financial Conduct Authority, ni les auditeurs n’ont fait le job alors que le fonds d’investissement en cause comportait 40 % d’actifs illiquides ! Comme l'a commenté un analyste, cette histoire est « breath-taking » (à couper le soufle). Les errements de Tim Haywood, gérant du hedge fund suisse GAM, sont aussi récents (face à l’hémorragie, ses « absolute return bond funds » se sont vus gelés).

L’explication donnée par Bruno Crastes, tout le monde pouvait l’entendre, à savoir miser sur des actifs décorrélés pour juguler la volatilité de ses fonds et consolider la performance. De plus, cette contribution d’illiquidité était vraiment marginale (avant les retraits de fonds, du moins, provoqués par cette affaire). Mais sur un fonds Ucits, se lier à un même partenaire commercial, contesté, pour jouer sur des obligations privées pouvait laisser songeur. Il faut surtout voir là un signal. Dans ce contexte actuel de récession larvée (c’est l’avertissement que lance cette situation ubuesque de taux négatif sur les marchés), est-il si judicieux de jouer la carte de l’illiquide ? La Bourse fait peur, le monétaire est au tapis, alors il est de bon ton de se jeter sur l’immobilier, la dette privée et le private equity en se disant que ce sont là les seules promesses valables de performance. Certains s’engouffrent généreusement dans ces eldorados (de l’espagnol, el dorado, le doré). Il faut savoir viser le long terme, dit-on au client, si l’on veut espérer protéger son pouvoir d’achat. C’est certain qu’avec l’assurance vie en euros, la belle époque est révolue, la liquidité de ce produit fait perdre de l’argent et cela pourrait être reproché au CGP qui n’aurait pas clairement mis en garde le client. Mais l’illiquidité a aussi un prix ! On a tous en tête l’exemple des SCPI dans les années 90 avec des épargnants qui ont découvert qu’une part de SCPI, tout comme leur maison, ne pouvait pas se revendre d’un claquement de doigt !

La crise de 2008 a été pourtant un signal clair : quand la finance prend peur, la liquidité vaut de l’or. Mais qu’est-ce qui est liquide ? Même l’assurance vie en euros est maintenant sous la coupe d’une suspension en cas de panique. Même le livret A se vit un temps suspendu en mai 68.

N’est-ce pas là l’opportunité pour le conseiller en gestion de patrimoine avisé de faire le point sur cette question clé ?

L'Edito du mois - Juillet-août 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Pfff !

Je me suis plongé dans cette loi Pacte dont on nous rebat les oreilles depuis des mois. Ce « plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » a été lancé le 23 octobre 2017. Cette fois, le texte est officiel après 19 mois. Et quand on y plonge, on y coule ! 155 pages au Journal Officiel, près de 130 000 mots, sans doute 300 à 500 000 avec les textes de modalités. La logorrhée législative devient une habitude ! Le pire c’est l’imprécision de cette loi qui laisse à l’administration du Trésor et à celle des finances publiques le soin d’expliquer ce qu’il faut comprendre. Je m’étonne d’ailleurs que l’on puisse renvoyer les aspects fiscaux à une ordonnance. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001 n’impose-t-elle pas que les questions fiscales soient réglées par une loi de finances de façon à cadrer les dépenses publiques ? A suivre.

A la lecture, cette loi Pacte me fait penser à cette boutade malicieuse d’Alan Greenspan, l’ancien patron de la Réserve fédérale américaine, lors de l’une de ses conférences : « Si vous avez compris ce que je viens de vous dire, c’est que je me suis probablement mal exprimé ». Il jargonnait tellement qu'il avait été rebaptisé « the master of obfuscation » par le Wall Street Journal, « le maître de l'obscurcissement ». Personne n’avait sa propension à embrouiller les esprits et il s’en amusait. On en vient à se demander s’il n’en est pas de même à Bercy avec une espèce de jouissance à balader les commentateurs et les épargnants dans ses labyrinthes. Pour les professionnels déjà éreintés par les délires de MIF 2, DDA et Priips, ce nouveau tsunami « bercynien » est usant.

Le PEA était une enveloppe permettant de défiscaliser les plus-values après cinq ans. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C’est désormais un « machin » à double seuil et à fiscalité douteuse – torpillé par des cotisations sociales et maintenant par une amende de 2 % pour ceux qui se font flasher hors des clous – qui pourra intégrer du crowdlending, des minibons, des obligations convertibles. Je doute que ce PEA new look fasse mieux que son score actuel de 2 % d’épargne financière des ménages (92 Md€ sur 4 800 Md€).

De même pour l’assurance vie, pourquoi continuer ce qui marche pour le plus grand bonheur des Français ? Bercy a concocté le « PER », plan d’épargne retraite, censé booster le bazar actuel des Perp, article 83, Madelin, Perco, Prefon. Un bazar qui ne pèse aujourd’hui que 219 Md€ et qui aurait vocation à succéder aux 1 750 Md€ de l’assurance vie. Chacun aura son PERin (individuel), son PERco (collectif) et son PERcat (catégoriel). Lesquels pourront être ouverts auprès d’un assureur ou d’une société de gestion. Ce PER s’annonce comme un vrai centre Beaubourg de tuyauteries financières et fiscales pour les transférabilités entre les produits et les compartiments. On va encore s’amuser !

Pfff (soupir après avoir lu quelques pages de ce Journal officiel... ) ! Bonnes vacances quand même !

L'Edito du mois - Mai 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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A comme antiquité

C’est fou, en mars dernier, les dépôts nets sur le livret A rémunéré à 0,75 % ont frôlé les 2 Md€ (1,97 Md€), selon les données publiées par la Caisse des dépôts. Un record qui remonte à mars 2009. Après janvier à 4 Md€ et février à 1,93 Md€, ce produit d’épargne a beau faire perdre en pouvoir d’achat, il n’en conserve pas moins une éton- nante cote d’amour ! L’encours atteint 292 Md€ et celui du LDDS près de 110 Md€.

Le bon côté des choses serait d’y voir que les Français ont les moyens de mettre de l’argent de côté. Revers de la médaille, cet engouement pour une épargne sans risque mais en rendement réel négatif est le signe indiscutable, avec la flambée des dépôts en compte courant et des autres livrets d’épargne, que les Français ne sont pas confiants. L’inquiétude du lendemain est manifestement très forte, c’est du moins leur ressenti.

La collecte sur l’assurance vie en euros est également à ses plus hauts niveaux. La France a peur, avait lancé Roger Gicquel en son temps. L’épargne se recroqueville ainsi au détriment de l’économie, également au détriment des finances publiques qui ont besoin d’une économie dynamique. Notre pays regorgeant d’épargne alors que les entreprises manquent de capitaux fait penser à un pays en stress hydrique par incapacité d’exploiter ses énormes nappes phréatiques !

L’épargnant n’est pas le seul fautif ! Rien n’est fait, c’est même le contraire, pour encourager les placements utiles et productifs. La réglementation n’y incite pas. La France est de ce point de vue incroyablement disruptive, c’est- à-dire à contre-courant par l’immobilisme de son épargne d’un monde qui va de l’avant. Il est pourtant évident que notre modèle social de redistribution est tributaire des sources de création de richesses, donc de l’innovation. Pour distribuer il faut avoir de quoi !

Le contraste est grand entre les États-Unis, où les fonds propres des entreprises représentent 123 % du PIB, et la France où le ratio n’est que de 74 %. Quand un ménage américain investit 57 % de son épargne financière en actions, un ménage français la place à 69 % en produits de taux, y compris parce qu’on l’y a incité depuis longtemps, par des exemptions fiscales notamment. La collecte en UC d’assurance vie a certes progressé mais chacun sait que les UC de private equity comme d’actions cotées jouent un rôle marginal.

« La priorité aujourd’hui est d’imaginer de nouveaux produits d’épargne, plus productifs pour notre économie », a récemment fait observer le gouverneur de la Banque de France. Le ministre Bruno Le Maire en a fait un des axes du Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte). Il semble urgent que les CGP contribuent à disrupter le livret A pour le reléguer au rang des antiquités.

Le sommaire du mois - Avril 2019

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L'Edito du mois - Avril 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Le conseil a de l’avenir

Le sociologue Zygmunt Bauman appelle cela la « rétrotopie ». C’est la nostalgie du « bon vieux temps », avec ces répliques du style « Ah ! De mon temps... » laissant entendre que l’évolution de la société nous embarquerait de Charybde en Scylla, de régression en régression. Cette espèce de morbidité décliniste est assez curieuse, comme bien des grands écrivains des siècles passés n’ont pas manqué de la railler. En matière d’épargne, c’est largement l’inverse qui se justifie !

Il y a quarante ans, le sort des épargnants était-il plus enviable ? La Commission des opérations de bourse (COB) n’avait qu’une dizaine d’années et ses pouvoirs étaient extrêmement restreints. Devenue AMF, avec de réels droits de contrôle sur tous les instruments financiers, et depuis l’année dernière sur les offres dites atypiques, ce régulateur et son homologue assurantiel, l’ACPR, ont considérablement réduit la puissance de nuisance des aigrefins et mauvais larrons qui détroussaient les clients. Si certains peuvent dire qu’autrefois c’était mieux, c’est bien les malandrins qui sévissaient sans que la COB ne puisse leur rien dire.

Souvenez-vous de cette affaire concernant cette officine belge « Compagnie des diamantaires d’Anvers ». La COB s’était cru autorisée par la loi du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la protection de l’épargne à vérifier l’objectivité des informations données aux clients. Les juges de la Cour de cassation l’ont sévèrement condamnée, à l’avantage de ce revendeur de diamants dits d’investissement. « L’excès de pouvoir est flagrant », déclamèrent les juges, et « s’il n’est pas douteux que la COB ait voulu agir pour protéger les épargnants de placements dangereux, l’intention louable n’atténue pas la gravité de la faute commise en s’arrogeant un pouvoir qu’elle n’avait pas ». Que de ravages aussi ont provoqué les assurances vie à frais précomptés vantées par les plus grandes compagnies d’assurances.

Les progrès depuis ont été considérables. Mais sans doute insuffisants, car toute offre de placement, quelle que soit sa nature et quel que soit le procédé de commercialisation, devrait être placée sous visa préalable et sous la surveillance d’un même gendarme des appels à l’épargne. Il conviendrait sans doute de doter ce régulateur de marges budgétaires autrement plus substantielles qu’aujourd’hui sur la base de redevances prélevées sur les sociétés la sollicitant !

Les récentes directives MIF2 et DDA qui ont marqué cette année 2018 ont aussi constitué des avancées notamment pour consolider la professionnalisation du métier de conseil en gestion de patrimoine. Mais là encore, il serait souhaitable d’aller plus loin, cette dénomination de CGP recouvrant des pratiques et des formations tellement diverses.

Enfin, en ce qui concerne les options de placement, la palette n’a jamais été aussi riche ! Pour les CGP, forts de ce nouveau cadre réglementaire, les temps à venir n’ont jamais été aussi intéressants ! Le conseil a de l’avenir !

L'Edito du mois - Mars 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Parler vrai

le débat actuel sur le rétablissement de l’ISF est troublant. Comme le suggère le chef de l’Etat lors d’un débat public, « il ne faut pas raconter de craques ». Pourtant sur ce sujet c’est pire que le fog londonien. Outre qu’il faut arrêter de dire que l’impôt sur la fortune a été supprimé puisqu’il est toujours applicable aux actifs immobiliers, il est pourtant clair que :

1. L’Ifrap et Rexecode chiffrent à 143 Md€ pour l’un, 200 Md€ pour l’autre, le montant des capitaux qui ont quitté la France depuis 1982 en raison de l'IGF et ISF. Ce désastre pour l’économie est tel que la Direction générale des finances publiques refuse de transmettre aux parlementaires son rapport annuel sur les exilés fiscaux (leur nombre et le montant des fortunes expatriées).

2. Alors que la concurrence économique, fiscale et sociale est de plus en plus rude entre les pays, en Europe et dans le monde, il n’y a que les Français pour être capables d’imaginer qu’on peut impunément infliger au capital une rente fiscale de 1,5 % par an. L’ISF a conduit à pomper la trésorerie des entreprises pour que les dividendes permettent aux minoritaires – ou majoritaires non exécutifs – de supporter cette gabelle ! Cet impôt a en outre généré un coût d’inquisitions et de contentieux multiples qui ont pourri la vie de bien des actionnaires. Les capitaux comme les capitalistes ont fui notre pays, ce que relève la Banque de France tous les ans lorsqu’elle rend public son rapport sur le taux de détention par les non-résidents dans le capital des entreprises du CAC 40. Les Français ne réalisent pas que la plupart de nos grandes entreprises pourraient d’un claquement de doigt de la part de leurs actionnaires américains, asiatiques et arabes transférer leur siège ailleurs.

« Est-ce qu'on veut aider nos entreprises ou pas ? », lançait récemment le chef de l’Etat lors d’un forum pour justifier la réforme de l’ISF. Mais pourquoi ne pas jouer la transparence sur la nocivité de cet impôt sur la fortune ? La solidarité est une chose, le réalisme en est une autre, exigeant un peu de pédagogie. Si réforme il devait y avoir, il serait impératif que les valeurs mobilières, qu’elles soient cotées ou non, d’entreprises commerciales, agricoles, artisanales, libérales, soient exonérées. Cela pour au moins deux raisons : la première, parce que ce capital est mis au service d’une activité économique, donc que des emplois sont en jeu ; la deuxième, parce que ce capital n’est que virtuel tant que l’entreprise prospère.

En outre – je reprends là l’idée du professeur Douet – il aurait été judicieux de rétablir la réduction ISF-PME (avec un « IFI-PME »), cela à un taux qu’il suggère de porter à 100 %, afin de drainer les capitaux stériles vers les entreprises. Il est invraisemblable dans ce monde de compétition d’avoir 1 300 Md€ placés sur les fonds en euros, 1 500 Md€ de comptes courants et livrets, 90 Md€ en or... exonérés d’impôt sur la fortune alors que dans le même temps, l’immobilier mis au service des entreprises et du logement des Français est puni par l’IFI.

Il serait temps de parler vrai sur le sujet.

Le sommaire du mois - Mars 2019

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L'Edito du mois - Février 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Une spécialité française

I l est dit et répété que la France est championne du monde des taxes et impôts. Les uns hurlent contre la spoliation, les autres plaident pour la réhabilitation de l’impôt.
C’est curieux que personne n’ait la curiosité d’aller lire le rapport de l’OCDE. Lequel ne dit pas que la France est la reine du fiscalisme. C’est même le contraire ! Les « taxes on income and profits » rapporté au « Dross Domestic Product », ou en français Produit intérieur brut (PIB), sont en pourcentage nettement en dessous des autres grandes nations. En ce qui concerne les « taxes on property », telles que les impôts locaux, les droits de succession, l’impôt sur la fortune, la France est certes en tête de gondole, mais au même niveau par exemple que les Etats- Unis. Là où notre pays crève les plafonds, c’est en matière de prélèvements sociaux : à 16,8 % du PIB, on est très au-dessus de tous les autres. « Un pognon de dingue », s’exclamait le chef de l’Etat ! Au final, si l’on additionne tous les prélèvements, comme les choux et les carottes du panier de la ménagère, la France est largement championne du monde de la redistribution à 46,2 % des prélèvements sur la richesse nationale produite.

Un universitaire américain me fait remarquer que les prélèvements, qu’ils soient fiscaux ou sociaux, c’est la même chose, c’est de l’argent que l’Etat préempte sur les ressources des gens et des entreprises. « Funny ! », me rétorque-t-il lorsque je lui fais observer que des impôts ne sont pas similaires – objectivement – aux cotisations à un système social qui préserve la santé, le chômage, la retraite. Est-ce « risible » qu’un cancer soit soignable gratuitement en France et à au moins 100 000 $ aux Etats-Unis où les cotisations sociales ne pèsent que 6,3 % du PIB ? Pour autant le débat en France ne devrait-il pas être celui d’une protection sociale exagérément coûteuse ?

L’autre débat clé, c’est celui de l’iniquité de notre système fiscal à tous les niveaux ! Est-il juste qu’un foyer français sur cinq paie 90 % de l’impôt sur le revenu et que 3 % en supporte la moitié !1 En quatre ans, le nombre de ceux qui ont réglé plus de 6 000 € d’impôt a augmenté de 23 % ; le nombre des moins fiscalisés (moins de 3 000 € d’IR) a chuté de 19 %. A l’inverse, la CSG payée par tous sans aucune progressivité est devenue le nouvel impôt sur le revenu (avec une recette environ 50 % supérieure). L’impôt sur la fortune immobilière, quant à lui, concerne proportionnellement plus les petits patrimoines de 1,3 à 10 M€ que les grands. Les impôts locaux pèsent, eux, beaucoup plus lourds dans les communes périphériques et rurales que dans les métropoles riches en sièges sociaux.

Je relisais récemment L'Homme aux quarante écus, un conte philosophique dans lequel Voltaire raille l’ineptie des règles fiscales de notre pays. Les temps changent, les gouvernements changent, mais Bercy sera toujours Bercy... Une spécialité bien française.

1. Données de la DGFIP sur les revenus 2016


Le sommaire du mois - Février 2019

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L'Edito du mois - Janvier 2019

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

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L'art du paradoxe

Les épargnants sont comme les contribuables : toujours plus et son contraire. Moins d’impôts et plus de dépenses publiques pour les uns, et moins de risques et plus de performances pour les autres. Il est ainsi facile pour les esprits manipulateurs de raconter des contes de fées aux investisseurs sur des rendements garantis à 7 %, par exemple, tout en faisant croire qu’il n’existe aucun risque. Jules César écrit dans « La guerre des Gaules », « les hommes croient volontiers en ce qu’ils désirent » (pour expliquer comment il a vaincu une horde gauloise supérieure en nombre). Régulièrement, l’actualité met ainsi sur le devant de la scène des affaires scabreuses qui ternissent l’image des conseils en gestion de patrimoine à cause de quelques-uns peu scrupuleux.

Quel surprenant contraste à cet égard entre cette régulation tatillonne sur les « instruments financiers » et ce « far west » des placements divers ! Proposer un fonds boursier ou une assurance vie est devenu totalement anxiogène pour le client alors que des offres alternatives vont pouvoir mettre en exergue des taux de rentabilité affriolants comme ce « 17 % » affiché en gros caractères à Patrimonia par un vendeur de défiscalisation outre-mer, ou ce 13 % relevé dans une revue notariale pour un investissement en copropriété viticole d’un château... Quelle étonnante contradiction également entre la volonté des gouvernants d’inciter à investir dans « l’économie productive » et cette chape de réglementations pour en dissuader ! La structure d’un fonds en euros d’assurance vie est édifiante : c’est le règne absolu du monde de la dette.

La France a besoin de capitaux propres pour ses entreprises, cotées ou non, et la réglementation fait tout pour effrayer les Français ! « Attention à la Bourse, attention au capital-risque, attention au crowdlending, c’est dangereux », préviennent les censeurs de la « compliance ». Les épargnants en arrivent à croire que les actions c’est pire que le Forex et que les bitcoins c’est aussi ludique qu’un billet de loterie alors que c’est aussi mortel qu’un paquet de clopes !

La Banque de France vient de publier des statistiques inouïes sur le niveau historiquement très élevé des dépôts à vue des Français. Ces avoirs en friche se voient détournés des vrais placements utiles à l’économie par cet épouvantail d’une réglementation comminatoire et deviennent une proie pour les aigrefins, en particulier venant de l’étranger où souvent la protection de l’épargnant n’a pas le même sens que chez nous.

Des entreprises douteuses prospectent en France sans autorisation en se réfugiant derrière une sollicitation par l’épargnant. L’AMF a récemment rappelé à une société allemande que « la remise à des investisseurs de documents pré-remplis destinés à faire croire à un choix délibéré de leur part de souscrire à ces fonds d’investissement alternatif serait considéré comme un contournement de l’interdiction de commercialisation active de ces véhicules ». Une vraie Europe de l’épargne est encore à construire !

Souhaitons-le ! Bonne année à tous !

Le sommaire du mois - Janvier 2019

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L'Edito du mois - Décembre 2018

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

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Fusible

sur les neuf premiers mois de cette année, les détenteurs d’assurance vie ont versé 30 Md€ sur les supports unités de compte (selon les données de la Fédération Française de l’Assurance, UC). Soit 29 % du total des versements. Mais curieusement aucune donnée n’est communiquée sur le type de placement effectué derrière cet acronyme-paravent d’UC. Des fonds boursiers ? De quel type ? Des fonds immobiliers, SCI, SCPI, OPCI ? Des fonds structurés ? Des fonds de private equity ? C’est secret défense !

Dans son rapport 2017, l’ACPR a « recommandé aux assureurs vie... d’adapter leur offre au nouvel environnement. Les acteurs concernés, est-il écrit, ont en réponse engagé... la réorientation de la collecte nette vers les supports libellées en unités de compte pour limiter la dilution du rendement de l’actif général ». Sans plus de précision !

Certes, l’énorme masse des fonds en euros a pris l’allure d’une bombe à retardement face à la hausse des taux longs qui se profile. Mais n’en est-ce pas une autre d’embarquer le tiers de l’épargne vers des supports variables tout en assurant la liquidité ? Laquelle liquidité a même été accentuée avant huit ans par la flat tax.

On sait que bien des assureurs, pour ne pas dire presque tous, ont insisté auprès des souscripteurs pour basculer vers les UC. « De nombreuses publicités incitent le souscripteur à investir sur des unités de compte », observe l’ACPR dans son rapport, rappelant avec sobriété « la nécessité de messages équilibrés faisant apparaître clairement les risques associés à ce type d’investissement ». Bref, l’ACPR encourage les épargnants à se jeter dans le bain des risques (boursiers et immobiliers) sans s’enquérir de savoir de quoi il s’agit.

« Les fonds en euros ne rapportent plus, les UC c’est la bonne affaire », affirme-t-on aux assurés depuis plusieurs années. La bonne affaire, on sait pour qui, assurément, puisque les frais de gestion de l’assurance vie cumulés à ceux du fonds et à ceux du mandat d’allocation d’actifs pèsent très lourds.

Mais une question va devenir prégnante : qui va trinquer quand les marchés vont se retourner ? Les CGP pourront-ils invoquer la pression de leur partenaire assureur, souvent à coups de bonus – et parfois la contrainte – pour justifier le conseil donné vers les UC ? Pourront-ils se réfugier derrière l’éminente demande du régulateur ? Alors que la directive DDA entre en application immédiate – donc pour les nouveaux comme pour les anciens encours – les tribunaux risquent de se montrer impitoyables sur la qualité du conseil à l’égard de clients rétifs le plus souvent à tout risque de pertes en capital.

D’un côté, on a des régulateurs, AMF et ACPR, qui surveillent l’application des normes de protection de l’épargnant et de l’autre, parce que les fonds en euros sont jugés systémiques, ces mêmes régulateurs ne semblent pas s’alarmer de cette autre masse d’UC dont on ne sait trop ce qu’elle renferme. Curieux, non ? Et qui servira de fusible ?

Le sommaire du mois - Décembre 2018

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L'Edito du mois - Novembre 2018

 

L'Edito de Jean-Denis Errard

Rédacteur en chef de Gestion de Fortune
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Larvatus prodeo

VVous connaissez ce dicton de Descartes qui, par crainte d’offus- quer par trop d’audace, recommandait d’« avancer masqué ». Ce fondement du Discours de la méthode semble servir de bréviaire à ceux qui nous gouvernent. Les réformes se succèdent sans justifications compréhensibles. Arguments d’autorité et pétitions de principe tiennent lieu d’explications aux parlementaires qui entérinent les projets, souvent d’ailleurs présentés comme « lois » avant même les débats (cf. « Pacte »). De fausses valses-hésitations servent de paravent, comme on l’a encore vu sur la question des droits de succession.

L’exemple du nouveau « prélèvement à la source » est symptomatique. Je ne rouvre pas le débat pour ou contre, ma question est toute simple : qu’est-ce qui justifie ce maelstrom du recouvrement de l’impôt ? Bercy invoque « l’objectif d’intérêt général visant à moderniser le recouvrement de l’impôt sur le revenu ». Tant les parlementaires que les contribuables n’ont pas eu d’explications claires sur le coût et sur le gain escompté de cette « modernisation ». J’ai relu le rapport Evaluation préalable (une annexe au PLF 2017, de près de 400 pages !), on n’y trouve aucune indication chiffrée.

Or, il existe une loi organique qui impose au gouvernement de chiffrer « avec précision » l’impact attendu de toute réforme projetée par le gouvernement1. La Cour des comptes a d’ailleurs rappelé à l’ordre récemment le gouvernement pour ses études d’impact « globalement peu éclairantes » sur les réformes sociales.

L’argument massue rabâché par Bercy, c’est que l’Europe entière – excepté la Suisse – a déjà adopté la retenue à la source. Donc, la France serait à la traîne. Mais existe-t-il ailleurs un pays où le système d’impôt est aussi ubuesque que le nôtre ! On nous dit aussi que les Français sont massivement d’accord avec cette réforme, alors qu’un sur deux n’est pas imposable et que 10 % des contribuables ont réglé 60 % de l’impôt sur le revenu.

Bercy affirme encore que cette réforme ne fera ni gagnants ni perdants. Alors pourquoi la fait-on ? Il paraît que les tiers payeurs (entreprises, caisses de retraite...), devenant les débiteurs légaux de l’impôt sur le revenu des Français avec des amendes à la clé2, l’administration n’aura plus à subir ce qu’elle appelle « les difficultés financières notables d’un nombre important de ménages ». Lesquelles ne sont pas chiffrées. On est pourtant actuellement à 98 % de taux de recouvrement de l’IR !

Je note qu’avec cette réforme, la restitution a posteriori des crédits et réductions d'impôt se fera sur demande et plusieurs mois après.
Où est la vraie « étude d’impact » du prélèvement à la source ? La direction générale des Finances publiques doit cesser d’« avancer masquée » !

1. La loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution a instauré le principe de l’élaboration d’études d’impact. Celles-ci doivent évaluer, « avec précision », les conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que les bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées.
2. Art. 1759-0 A du Code général des impôts, amende de 5 à 80 %, avec un minimum de 500 €.