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L'Edito du mois - Décembre 2016

L'Edito de Jean-Denis Errard

Editeur de Gestion de Fortune
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Donald et les Mickey

Je suis toujours frappé par ce tsunami de commentaires qui se veulent tous plus avisés les uns que les autres en réaction à des événements comme ceux que nous venons de vivre avec le Brexit puis le « Clintexit ». J’ai été encore une fois submergé d’emails venant de sociétés de gestion du monde entier pour m’expliquer ce que je devais comprendre à la suite de l’élection du 45e président des Etats-Unis. Cela alors que tous ces experts, dans une belle unanimité, tout comme les médias et les instituts de sondage, n’avaient strictement rien vu venir de ce qui se tramait là-bas ces dernières semaines, tout comme en Grande-Bretagne. Comme l’a titré Les Echos le surlendemain de l’élection, c’est « un saut dans l’inconnu » parce qu’on ne sait pas si Donald Trump a juste fait un numéro de claquettes pour séduire ou si ses coups de gueule ont valeur de programme. Ces magistrales bulles d’incompréhension avant et après le scrutin ont encore une fois explosé à la figure des commentateurs et leurs réactions sont symptomatiques, à New York, à Londres comme à Paris, d’une rupture entre les élites et les électeurs, rupture que beaucoup rejettent avec dédain comme le « populist uprising », soulignant que « uncertainty reigns » (termes relevés dans la newsletter de David F. Lafferty, senior vice president, chief market strategist, Investment Strategies Group).
La vacuité de ces innombrables commentaires est sidérante (j’ai reçu 43 notes de stratégistes rien que le mercredi 9 novembre, lendemain du vote). « Hold your nerve », recommande Stefan Kreuzkamp, CIO de Deutsche Asset Management. Son commentaire est des plus utiles : il raille le « caractère imprévisible de Trump et son manque d’expérience politique » ; anticipe la catastrophe (« s’il ne s’engageait que sur la moitié de ses promesses de campagne cela pourrait causer des troubles considérables »), tout en prévoyant des lendemains printaniers (« il est tout à fait possible qu’après cette élection le président Trump surprenne les marchés dans un sens positif »)... BlackRock, de son côté, explique que nous allons vivre « une période de grande incertitude politique et sur les marchés », ce qui va provoquer « une vente massive d’actifs à risque et à une fuite des investisseurs vers des valeurs refuges ». Etc.
Ces stratégistes ne savent rien, déversant supputations, conjectures, incantations dont je ne peux m’empêcher de demander : pourquoi toute cette gesticulation ? Sans doute parce que le stress – la « destruction créatrice », selon l’expression de Schumpeter – est plus profitable au business que la zen attitude. Pour ma part, je ne peux m’empêcher de me rappeler cet extrait des Lettres d’Abraham Lincoln, « mieux vaut rester silencieux et passer pour un imbécile que parler et n’en laisser aucun doute ». Dans mon esprit ce Donald ne vaut guère plus que tous ces Mickey.

Le sommaire du mois - Novembre 2016

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L'Edito du mois - Novembre 2016

L'Edito de Jean-Denis Errard

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Dynamite

Il a beaucoup été question à Patrimonia de cet article 21 bis de la loi Sapin 2. Quelle mouche tsé-tsé a bien pu piquer nos parlementaires pour voter cette arme nucléaire (prosaïquement baptisée « macro-prudentielle ») autorisant le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), sur proposition du gouverneur de la Banque de France, à suspendre les rachats sur les assurances vie (en euros comme en unité de compte) en cas de menace grave sur la stabilité du système financier ? Cet amendement a été ajouté en catimini au projet initial comme si quelque chose de grave se tramait et qu’il convenait de toute urgence de prendre les devants. Tout le gotha de la profession s’est alors demandé ce que pouvait cacher cet amendement, et chacun en redoute les conséquences sur la clientèle et sur les rétrocessions. Bien sûr, il y a le risque d’une forte remontée des taux conjuguée à des retraits massifs. J’ai relu le rapport 2015 de l’ACPR, les amortisseurs semblent très solides, ils ne l’ont même jamais été autant. J’ai entendu aussi Stéphane Dedeyan expliquer en tant que président de la commission des assurances de personnes de la FFA que tous les assureurs et leurs actuaires ont intégré cela dans leurs scénarii. Mais, dit-il, l’irrationnel des mouvements de la finance comme de la foule justifie l’exceptionnel de cet article 21 bis. J’ai écouté également Dominique Durant, adjoint au directeur des études de l’ACPR, qui a expliqué lors d’un débat à Patrimonia, que cette mesure est « appropriée et proportionnée » au risque systémique de l’assurance vie. Bref, comme l’arme nucléaire, ce ne serait pas fait pour servir. Tout de même, lui ai-je demandé publiquement, est-ce bien raisonnable de prendre le risque de déstabiliser ce pilier de l’épargne financière des Français qui est aussi le support du financement de l’Etat et de notre économie (40 % des Français et 40 % de 4 000 Md€ d’épargne) ?
Les Français peuvent avoir le sentiment de s’être fait piéger au coin du bois ! Et alors quoi, demain, on va leur dire que l’Etat est à court d’argent et qu’il faut bien le prendre là où il est ! C’est cela le message ?
La représentante de l’ACPR a expliqué que cette mesure va « dans l’intérêt des épargnants » et que « le but est de créer de la confiance ». Qui peut le croire ? En quoi est-ce leur intérêt de bloquer cet argent dont ils ont besoin pour compléter leur pension de retraite qui s’amenuise et faire face aux aléas de la vie qui s’accentuent ? Et en fait de confiance, c’est bien de la méfiance à coup sûr que l’Etat va générer. N’aurait-il pas mieux valu renforcer les pouvoirs de police et de sanction de l’ACPR ?
Il serait surprenant que le Conseil constitutionnel admette une telle atteinte au droit de propriété motivée par une appréciation aussi vague d’une menace grave et caractérisée et pour une durée aussi incertaine de trois mois reconductibles ?
Comme l’a bien dit en séance le député Charles de Courson, « n’est-on pas en train de jouer avec de la dynamite ? »

Le sommaire du mois - Octobre 2016

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L'Edito du mois - Octobre 2016

L'Edito de Jean-Denis Errard

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Pouic Pouic

Voilà une histoire tout à fait symptomatique de la façon « clochemerlienne » qu’est traitée l’épargne dans notre pays. Le lecteur qui me la raconte a été sollicité via le web pour une offre financière des plus douteuses. Il alerte alors l’AMF. « Ce n’est pas pour nous, demandez à la DGCCRF », lui rétorque-t-on. Soit, il adresse un mail à ladite administration de répression des fraudes. Pas de réaction, durant cinq mois. Il interroge alors le « service de protection économique du consommateur » à la préfecture dont dépend l’escroc en question et explique que cette offre pyramidale risque d’abuser bien des épargnants. Là, il obtient une réponse. Une « enquête approfondie va être effectuée ». Tellement approfondie que le dossier ne va sans doute jamais remonter à la surface ! Et d’indiquer à notre lanceur d’alerte que la préfecture « ne peut pas retirer ou interdire la parution d’informations qui seraient illicites ». L’escroc peut donc continuer à assassiner en toute quiétude l’épargne de ses concitoyens.
Des arnaqueurs comme celui-ci, qui émergent subitement sur votre écran alors que vous consultez le site officiel d’une société, on en voit de plus en plus. Le solliciteur en question poussent l’abnégation jusqu’à vous faire « partager » une « opportunité gagnante » pour « devenir riche rapidement, à votre rythme ». Il explique avoir placé 570 $ et treize jours plus tard « le logiciel qui travaille à votre place » affiche 894 $. « +56,85 %, qu’en dites-vous ? » Ben voyons ! Ce genre de truands prend aussi parfois les habits de l’honorabilité dans les salons. Et qu’a expliqué cette préfecture saisie par notre lecteur effaré ? Que cette affaire aussi illicite soit-elle « relève de l’appréciation souveraine des tribunaux ». Donc qu’il faut attendre des plaintes. Ainsi, des tonnes de réglementations nous protègent pour la qualité des boîtes de petits pois et autres biens de consommation, mais par contre pour l’épargne, là les voyous peuvent librement vous empoisonner. Curieux non ?
Si nos instances gouvernementales veulent mobiliser l’épargne pour la rendre utile ne conviendrait-il pas d’empêcher en amont ce genre d’agissements ? Est-il normal qu’on laisse prospérer les Aristophil, Apollonia et autres pendant des années avant de pleurer les désastres causés ? De soi-disant opportunités circulent sous le manteau comme ces gisements de terres rares ou de pierres précieuses. Voilà qui me rappelle cette concession pétrolière sur les bords de l'Orénoque, pour ceux qui ont vu Pouic Pouic, avec Louis de Funès… Sauf que là on n’a pas envie d’en rire.

Le sommaire du mois - Septembre 2016

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L'Edito du mois - Septembre 2016

L'Edito de Jean-Denis Errard

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Flingueurs

Un grand classique du cinéma m’inspire avec cette histoire de PRIIPs. Vous connaissez la célèbre réplique de Francis Blanche, dans les Tontons flingueurs, « c'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases ». C’est exactement ce que me suggère cette réglementation : c’est curieux chez les bureaucrates de Bruxelles ce besoin de faire des phrases ! Cette manie stupéfiante de tout embrouiller a de quoi inspirer un autre Brexit (Bruxelles exit). Franchement, il crève les yeux que tout cela va totalement à l’encontre de l’intérêt des épargnants.
Ce « Packaged Retail and Insurance-Based Investment Products » (PRIIPs) – on devrait brexiter toutes ces dénominations ! – s’inspirait d’une bonne intention : favoriser une information de base de l’épargnant et lui faciliter la comparaison entre les solutions d’investissement (avec le fameux KID, « key information document »). Soit. Mais les consignes d’application du règlement, publiées en avril, ont au final dénaturé l’objectif.
Ainsi ce galimatias du « Regulatory Technical Standards » ou RTS (les normes techniques de ce règlement), comme le dit Jean Lefebvre, « nous prépare des nuits blanches, des migraines, des nervous breakdown ». Les autorités de supervision ne voient-elles pas que ces exigences n’ont rien d’informatives et que, bien au contraire, elles sont dissuasives et rébarbatives, donc susceptibles d’induire en erreur et d’alourdir les frais pour rien ! A la suite du Brexit, le commissaire européen en charge du dossier, le conservateur anglais Jonathan Hill, a renoncé à ses fonctions. Espérons que le successeur reviendra sur terre ! Cette idée de « scénarios de performance future », dans trois hypothèses « défavorable », « modérée » ou « favorable », ne peut que tromper l’épargnant, plus que la référence à un passé qui, lui, factuel et incontestable, illustre la capacité du gérant à battre son indice de référence. De même pour la présentation des frais, on va sombrer dans la confusion.
Pour les assurances vie multisupports qui sont devenues le placement largement privilégié en France, cette réglementation introduit une nouvelle incroyable lourdeur paperassière. « Faut r'connaître… c'est du brutal ! » (dixit Bernard Blier). L’idée de l’architecture ouverte, avec cette liberté de choix, est clairement menacée par cette logorrhée réglementaire !
Le Brexit a suggéré à bien des politiques de repenser l’Europe et sa raison d’être. Il est grand temps que les tontons flingueurs de Bruxelles soient expédiés au « terminus des prétentieux » et qu’on arrête de « permettre au petit personnel de rêver ».

L'Edito du mois - Juillet-août 2016

L'Edito de Jean-Denis Errard

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Terrain miné

Lors de la récente conférence annuelle de l’ACPR, le gouverneur de la Banque de France a incité « de nouveau les organismes à la prudence dans la fixation des taux de revalorisation de leurs contrats d’assurance vie ». Le ton, ce fut mon impression, était assez serein. On était loin de ces commentaires alarmistes sur le risque que fait prendre aux sociétés d’assurance cet engagement à la fois de sécurité et de liquidité sur les fonds en euros. « Les sociétés d’assurance insistent, et c’est compréhensible, sur l’aspect négatif de la baisse des taux. Mais, a tenu à relativiser François Villeroy de Galhau, il existe aussi un aspect très positif, à savoir le stock très important de plus-values qu’a généré cette baisse ». Cependant, a souligné Bernard Delas, vice-président de l'ACPR, ces taux bas agissent comme un « poison lent », selon son expression. Pour ma part, je dirais comme un « garrot », avec un niveau de marges qui se rapproche de celui des charges de fonctionnement et des exigences de solvabilité. A ma question « à la lumière des comptes 2015, vous ACPR, avez-vous pu constater que des sociétés d’assurance ont dépassé la ligne jaune en termes de solvabilité ? » Bernard Delas, s’est montré très explicite : « on n’en est pas là du tout ». Bon, s’il le dit...

Pour autant, la mécanique du fonds en euros a de quoi angoisser. Ne serait-ce que parce qu’elle encourage à n’acheter que des produits de dette plutôt qu’à investir en fonds propres dans l’économie ! Et le gouverneur de déclarer : « J'encourage les pouvoirs publics et les professionnels à poursuivre leur réflexion en matière de réorientation de l’épargne, notamment via le développement de nouveaux produits d’épargne de long terme, répondant à la fois à l’environnement de taux bas et aux besoins de long terme des ménages (retraites) ». Sans le suggérer explicitement, il voudrait remettre à l’ordre du jour ce sempiternel débat – aussi sensible que l’ISF – des fonds de pension. Avis aux postulants à la prochaine élection présidentielle.

C’est une évidence : les entreprises ont besoin de capitaux propres. J’entends par « entreprises » les PME et les ETI, pas cette Bourse du CAC 40 qui, on le sait, ne sert plus à financer l’économie. Chacun sait que les unités de compte ne sont qu’un transfert de risque, sans plus. Bien sûr, le crowdfunding va dans le bon sens, mais on est très loin d’un mouvement de « foule » ! Le gouverneur, à juste titre, appelle, lui, à de « nouveaux produits d’épargne ». Une façon de souligner que les Perp, eurocroissance et autres fadaises inventées par la direction du Trésor ne correspondent pas à ce compromis qu’il suggère, « d’un meilleur rendement des ac- tions sur la durée, tout en favorisant le financement de l’investissement des entreprises ». Reste une épidermique question, celle de la fiscalité. Car, « il conviendrait, à tout le moins, d’éviter des distorsions fiscales au détriment de ces produits par rapport à l’épargne liquide et sans risque ». Attention, terrain miné... 

Le sommaire du mois - Juin 2016

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L'Edito du mois - Juin 2016

L'Edito de Jean-Denis Errard

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Rente ou risque ?

Il est malin notre ministre de l’Economie. Il ne dit pas que l’ISF est une ânerie mais tout le monde l’a compris comme cela. Et il le dit dans une revue bien connue – éditée par la FFSA – dont le titre « Risques » dit également sans le dire ce que l’intéressé pense de cet impôt. C’est très fort ! Il n’aurait pas déclaré cela dans notre revue ! « Gestion de fortune », pour l’affichage politique, ce ne serait peut-être pas « optimal », pour reprendre le terme de M. Macron. Voici ces mots exacts : « Si on a une préférence pour le risque face à la rente, ce qui est mon cas, il faut préférer par exemple la taxation sur la succession aux impôts de type ISF ». On comprend que le Premier ministre, qu’il fait passer en creux pour le défenseur des rentiers, ait mal réagi !


Il enfonce le clou avec l’exit tax qui « conduit maintenant les jeunes à créer leur entreprise à l’étranger dès l’origine ». « C’est un drame », maugrée le ministre comme un lanceur d’alerte car « l’énergie entrepreneuriale peut migrer ailleurs ».


Cet ISF, tous ceux qui sont au contact des réalités économiques le savent, c’est vraiment un impôt imbécile. Imbécile parce que les règles sont tellement confuses que n’importe quelle entreprise peut être déstabilisée par des contrôleurs zélés. On connaît les « robo-advisors » pour la finance, mais il existe aussi des « robo-terminators » pour les impôts ! Comment dire les choses autrement lorsque l’on voit comment l’administration s’attaque aux holdings et aux pactes d’actionnaires ! Ou lorsque l’on voit des instructions du Bofip qui inventent des règles anti-économiques et hors-la-loi ! Je pense par exemple au sort des titres de participation de non-résidents dans des sociétés basées en France. J’ai aussi en tête, dans le cadre des apports-cessions, le sort réservé au cash des chefs d’entreprise à qui l’on ne permet pas de réinvestir dans des fonds de capital-investissement, au risque de perdre leur report d’imposition. Quelle incohérence ! Des exemples, on pourrait en citer beaucoup. Le « pompon » c’est de taxer les plus-values lorsqu’on fait une donation de titres à une oeuvre de bienfaisance ou de recherche médicale. Une donation génératrice de plus-value !

Est-ce vraiment « une faute » de vouloir supprimer tout cet embrouillamini kafkaïen et ubuesque dont la raison d’être est dogmatique et dont les conséquences sont anti-économiques ? Coe-Rexecode a récemment fait une étude sur « L’impôt sur le capital au XXIe siècle, une coûteuse singularité française ». Leur conclusion : « La fiscalité du capital française n’a pas été construite selon une logique économique, mais résulte d’une succession de décisions prises en fonction des besoins de financements publics et des débats politiques du moment, toujours dans le sens de l’augmentation des taux et de la complexité ».

Tout est dit. Boire ou conduire, il faut choisir, dit-on. Ivresse de la « taxemania » ou incitation à l’audace, il faut choisir. « Rente ou risque » that is the question !

Le sommaire du mois - Mai 2016

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L'Edito du mois - Mai 2016

L'Edito de Jean-Denis Errard

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Lanceur d’alerte

Jean-Pierre Rondeau, à la suite de la conférence de presse conjointe des autorités pour dénoncer les arnaques financières, leur a adressé une lettre pour dire qu’il « espère que la vigilance sera la même pour les autres arnaques dont ces organismes sont nourris d’alertes, y compris par ses soins : des manuscrits aux emplacements funéraires, en passant par la financiarisation des crevettes, du vin, de l’art, des chevaux, des panneaux solaires, des forêts exotiques, de l’immobilier à l’étranger non vérifié, des terres rares, des diamants et pierres précieuses en général… ». Le président de la Compagnie des CGPI a mille fois raison et je l’ai fait remarquer au directeur de cabinet du directeur général de la DGCCRF. Sans aller aussi loin dans le registre du farfelu, il y aurait ainsi beaucoup à dire dans le domaine des résidences de tourisme.
J’ai déploré dans mon précédent éditorial qu’il faille attendre que l’arnaque soit suffisamment énorme pour que le scandale éclate. Il a fallu des années pour que l’affaire Aristophil soit mise au grand jour. D’autres supercheries, comme Apollonia, que je sache, n’ont jamais abouti… laissant d’innombrables investisseurs dans une ruine totale. Le président de la Compagnie des CGPI souhaite, à juste titre, que « le parquet de Paris bénéficie des moyens nécessaires pour que les escroqueries qui se révèlent évidentes à l’examen ne traînent pas des années en longueur, continuant à ruiner les particuliers ».
Alors, il lance le débat : faut-il que tous ces produits financiarisés soient demain soumis au statut CIF, comme le voudrait l’AMF ? Mais n’y-a-t-il pas un risque de polluer la profession avec des « voleurs de poule » ? A force de contraintes certes parfois pesantes, irritantes même (cela a été souligné à la convention Anacofi devant le secrétaire général adjoint de l’AMF), la profession a réussi à acquérir un statut fort, une honorabilité reconnue et elle a aujourd’hui une opportunité de démontrer toute sa valeur ajoutée, son expertise, dans un contexte de taux quasi nuls et de marchés financiers follement volatils. Dans ce contexte anxiogène pour les clients, n’y-a-t-il pas un risque de confusion entre les vrais CGPI-CIF et les opportunistes prêts à vendre n’importe quoi, sous l’habit CIF, à des clients qui, souvent, ne comprennent rien au couple rendement/ risque. Les offres dites de « biens tangibles » sont en train de faire des ravages. Il est temps que les associations professionnelles, comme le suggère Jean-Pierre Rondeau, voient d’urgence comment elles pourraient, elles aussi conjointement – comme viennent de le faire l’AMF, l’ACPR, la DGCCRF et le parquet de Paris – alerter leurs membres.
La Cour de cassation vient de reconnaitre un droit d’alerte à l’AMF. L’examen du projet de loi Sapin II, où il est question d’encourager les lanceurs d’alerte, n’est-il pas l’occasion d’inscrire ce droit dans le marbre et de permettre aux associations d’y travailler avec les autorités, cela dans tous les domaines des offres faites aux épargnants ?

Le sommaire du mois - Avril 2016

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L'Edito du mois - Avril 2016

L'Edito de Jean-Denis Errard

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Compliance

J’entends ce terme de plus en plus souvent. Dès que quelqu’un prend la plume il faut « voir avec la compliance ». Sans rapport avec la compliance pulmonaire qui, en médecine, désigne une élasticité, une souplesse, une dynamique de cet organe. Là, c’est tout le contraire. C’est un poumon qu’on étouffe sous la paperasse. Cette compliance, c’est le « politburo » maison qui doit contrôler la « conformité » aux réglementations. Toutes les sociétés de gestion et toutes les entreprises cotées ont leur service « compliance » aux aguets pour autoriser ou censurer le cas échéant les propos tenus, même au plus haut niveau. Un carcan de normes et une armée d’employés appliqués à surveiller le moindre écart. Le responsable d’une société de gestion me disait récemment que sur 28 collaborateurs, 6 sont en charge de la compliance !

On comprend que les Britanniques, attachés au poumon de la finance, n’aient pas très envie de cette Europe étouffante. Des dirigeants de maison de gestion sont parfois tétanisés à la pensée d’être invectivés par l’AMF à l’image de cette « madame Anastasie », chère au caricaturiste André Gill, avec son doigt réprimandeur et ses ciseaux de censeur !
Cette évolution générée par les dérives passées notamment aux Etats-Unis n’a-t-elle pas fait basculer d’un excès à un autre ?
De même en ce qui concerne l’assurance vie où l’on tend vers un même « raffinement » dit prudentiel. L’ACPR, à l’égard des sociétés d’assurance, semble – heureusement – de plus en plus vigilante alors que la cagnotte de l’assurance vie pèse de plus en plus lourd. Près de la moitié de la fortune immobilière des Français !
Mais ce qui surprend, c’est que tout un autre pan de l’univers des placements, celui des « atypiques », est totalement hors contrôle.
Des conseillers en gestion de patrimoine se voient solliciter par toutes sortes d’officines proposant à coup de commissions généreuses des « opportunités » plus ou moins loufoques, pour ne pas dire plus. On les connaît tous, mais comme dirait mon service de « compliance » interne, arrêtons-nous là, à la barrière de la présomption d’innocence et d’honorabilité.

Mais le fait est que la hausse de la volatilité des marchés financiers (jetez un œil sur l’indice Vix, qui jauge le niveau d’angoisse des investisseurs aux Etats-Unis), la chute des rendements financiers, le stress suscité par les Nostradamus divers et variés, tout cela élargit le « champ des possibles », selon l’expression courante, pour emmener hors des sentiers battus dans les méandres des Ponzi et autres Madoff qui sévissent actuellement et dont on se doit d’attendre le constat des dégâts pour en parler. Comme un pompier qui devrait attendre l’aval d’un juge pour éteindre un incendie.

Le sommaire du mois - Mars 2016

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L'Edito du mois - Mars 2016

L'Edito de Jean-Denis Errard

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Femmes savantes

Ces derniers temps je ne peux m’empêcher de me souvenir de cette réplique de Martine, la servante congédiée méchamment par sa maîtresse Philaminte, dans « Les Femmes savantes ». Molière lui fait dire ce qui est devenu proverbial : « Qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage ». La pauvre Martine s’était vu accuser de vilénie - en fait un grotesque prétexte pour prendre la porte. Et le mari, de l’apaiser : « Ma femme bien souvent a la tête un peu chaude ». Intervient alors l’épouse outragée qui réplique à son tour : « Je ne veux point d’obstacle aux désirs que je montre ». Comment ne pas y voir la même scène qui se joue sur l’assurance vie, avec cette déclamation du patron de la Banque de France : « il faudra poursuivre résolument la baisse des rendements de l’assurance vie investie en fonds euro, au-delà des baisses annoncées cette année ».
Il faudra !
Ainsi, on a l’impression que l’assurance vie en euros serait atteinte d’une sorte de rage menaçante et contagieuse. Presque tout le Landerneau de l’assurance semble se donner le mot pour achever la bête malade que serait cette épargne populaire. Car, franchement, 2 % net, environ, parfois moins, il faut y mettre de la volonté, vous ne trouvez pas ? Cela alors que d’autres réalisent une performance de 50 à 75 % au-delà.
Lorsque je demande des explications, j’entends dans la bouche de ces « anti-assurances vie en euros » la fameuse réplique de cette femme savante : « Suis-je pour la chasser sans cause légitime ? »
En fait de rage, la pauvre servante se voit inculpée d’avoir « insulté mon oreille par l’impropriété d’un mot sauvage » (relisez cette scène 5 de l’acte II). Pour l’assurance vie de même, l’accusation est tout aussi perverse ! Pour des questions de rentabilité et de transfert du risque ne cherche-t-on à tuer ce qui a fait le bonheur de tous pendant des années comme cette fidèle servante ? Cet oukaze médiatisé, répété et amplifié du patron de la Banque de France contre l’assurance vie en euros me paraît surprenante alors qu’il est dans ses attributions, via l’ACPR, de contrôler la viabilité des bons rendements annoncés par certains, c’est-à-dire leur niveau de solvabilité par rapport aux engagements pris !
Son objectif, François Villeroy de Galhau, l’avoue : « comment inciter les épargnants français à prendre davantage de risque raisonné, pour mieux financer notre économie ? » Mais est-ce à l’épargne populaire de prendre le relais des insuffisances de l’establishment financier ? A tout le moins concevons des solutions autrement plus efficaces que ces pitoyables Perp, eurocroissance, vie-génération et autres inventions de nos « femmes savantes » de Bercy qui accuse cette servante qu’est l’épargnant de tous les maux !

Le sommaire du mois - Février 2016

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L'Edito du mois - Février 2016

L'Edito de Jean-Denis Errard

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La Bank Recovery and Resolution Directive (BRRD) récemment transposée dans notre droit est entrée en application le 1er janvier dernier. Elle suscite bien des commentaires inquiets. Pour éviter aux Etats (souvent plombés par leurs dettes publiques) de se voir affaiblis par une ou des banques en déroute, et aux contribuables (déjà surfiscalisés notamment en France) d’avoir à renflouer un établissement, ce texte transfère la charge à tous ses créanciers. Ce qui recouvre tous les déposants, personnes morales ou privées, et non plus seulement les actionnaires.
La directive n’interdit pas aux Etats d’intervenir, ce qu’avait fait le gouvernement français en 2008 (les autorités de Bruxelles ont autorisé 4 500 Md€ de soutien au secteur bancaire européen en 3 ans pour endiguer la panique). Mais elle ne leur impose plus de le faire.
Ainsi, des épargnants deviennent susceptibles en cas de défaillance de leur banque de perdre leur épargne (au-delà de 100 000 € par client), comme si confier son argent implique dorénavant de se porter garant de sa banque et de garantir la place financière contre l’incompétence de ses dirigeants (qui, eux, restent d’ailleurs toujours à l’abri). 
C’est hallucinant.
Hallucinant parce que c’est à l’Etat, par son activité de régulation, de surveiller correctement les établissements financiers, quitte à renforcer les pouvoirs de l’autorité de supervision comme au Luxembourg ! Et parce que les épargnants n’ont aucun moyen de s’informer sur le niveau de risque des engagements et la fiabilité des procédures de contrôle, qu’il s’agisse des établissements de crédit ou d’ailleurs des sociétés d’assurances.
La crise de 2008 a fait prendre conscience qu’une banque, aussi puissante soit-elle, peut sauter. Les autorités européennes ont alors imaginé deux axes de solutions : 1) C’est l’épargnant et non l’Etat qui doit encaisser le choc. Et 2) C’est par une réglementation très stricte qu’on va prévenir les dérapages des banques. Génial ! On effraye l’épargnant qui est le carburant de l’économie et on étouffe les banques qui en sont le moteur avec pas moins de 43 directives européennes en 4 ans. Alors que l’objectif de l’Europe devrait être la croissance et l’emploi, l’obsession de méfiance des politiques va complètement à l’encontre de cette relance ! Ainsi ni les banques ni les épargnants ne se voient motivés pour financer l’économie. Quel paradoxe au moment où l’on doit investir dans la transition énergétique et dans des entreprises nouvelles qui vont apporter des atouts différenciateurs à notre économie par rapport aux pays à bas coûts ! Les Américains ont beau jeu de tailler des croupières aux Européens empêtrés dans les réglementations tatillonnes et leurs multiples administrations de supervision. Près de 60 % des activités de marché en Europe sont actuellement aux mains des banques américaines basées à Londres !
Au-delà de la question de souveraineté financière, cette conception bureaucratique de l’Europe a de quoi préoccuper. Une Europe sans moteur et sans carburant ! Bruxelles, « capitaine de pédalo » !

Le sommaire du mois - Janvier 2016

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